PEINTURE Les techniques
L'Extrême-Orient
Les supports
Le papier
Le papier, inventé en Chine vers la fin du Ier siècle de notre ère, connut rapidement une large diffusion, car il se présentait comme un substitut bon marché de la soie. Quelques siècles s'écoulèrent toutefois avant que peintres et calligraphes ne commencent à l'utiliser comme support pour leurs œuvres, précisément parce qu'il était tenu à l'origine pour une matière de moindre prix. Mais le papier finit par conquérir ses lettres de noblesse : les progrès réalisés dans sa technique de fabrication le portèrent à un haut point de perfection sous les Six Dynasties et les plus grands calligraphes de cette époque l'utilisèrent. En peinture, il est adopté parallèlement à la soie à partir du xie siècle ; papier et soie répondent en fait dans les grandes lignes à deux types différents d'inspiration : la soie convient mieux aux ouvrages décoratifs et académiques, cependant que les lettrés préfèrent généralement le papier pour leurs libres improvisations à l'encre monochrome.
Les variétés de papier sont innombrables ; la meilleure qualité est obtenue à partir de la pulpe de bambou. De texture simple ou formé de plusieurs couches, il se présente soit « cru », soit préparé ; le papier cru à une plus forte capacité d'absorption de l'encre, il réagit un peu à la façon d'un buvard et demande de la part de l'artiste une compétence technique supérieure. Le papier chinois est remarquablement résistant et se conserve beaucoup mieux que la soie. En vieillissant, il prend une belle patine beige, gris chaud ou jaune (les faussaires imitent ces patines en trempant leurs peintures dans un bain d'eau additionnée de soude ou de sucre brun). Comme pour la soie, l'analyse des types de papiers utilisés aux diverses périodes ne peut guère fournir que des critères négatifs pour l'authentification des œuvres : à toutes les époques, les peintres ont disposé de papier vierge des dynasties antérieures.
La tradition veut qu'en 609 le moine Donchō, originaire du royaume de Kokuryŏ (Corée du Nord), ait introduit au Japon les procédés de fabrication du papier, du pinceau, de l'encre et des couleurs. Il semble évident que le papier avait été importé de Corée avant cette date, comme il le fut de Chine à partir du viie siècle.
Dans l'Empire chinois, sous le règne des Tang (618-907), des procédés de fabrication très divers à base de fibres différentes selon les régions s'étaient élaborés, permettant l'utilisation du papier à des fins extrêmement variées. Certains de ces procédés ne durent pas tarder à être employés au Japon. Au Shōsō-in de Nara, fondé en 756, est conservée une documentation importante (archives, poésies, sūtra bouddhiques) dans laquelle il est difficile de distinguer les productions autochtones. Il semble que les plus anciens papiers japonais soient à base de fibres de chanvre, matière depuis longtemps vénérée pour sa pureté. À l' époque de Nara, les sūtra sont transcrits sur du papier de chanvre, coloré en jaune à l'aide de la pulpe bouillie d'une plante (kiwada, ou Phellondendron amurense) qui le protégeait des vers et des insectes, ou bien teint en bleu sombre à l'aide d'indigo. La production locale ne paraît pas avoir été suffisante et les découvertes sur l'emplacement des anciens palais d'Asuka, de Fujiwara et de Heijō-kyō (Nara) ont révélé que les petits fonctionnaires de la cour utilisaient pour les écritures courantes des plaquettes en bois.
Dès 770, on trouve mentionné le papier blanc, translucide et perméable à l'air, destiné aux shōji, portes à glissières s'ouvrant sur l'extérieur des demeures.
Au ixe siècle, beaucoup de provinces envoient en tribut à la cour des papiers très divers à base de[...]
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Écrit par
- Marie MATHELIN : attachée au musée Guimet
- Madeleine PAUL-DAVID : ancien maître de recherche au CNRS, professeure honoraire à l'École du Louvre, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet
- Jean RUDEL : agrégé de l'Université, docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, peintre et écrivain
- Pierre RYCKMANS
:
reader , Department of Chinese, Australian National University
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