NÉERLANDAISE ET FLAMANDE PEINTURE
L'époque des explorateurs (XVIe s.)
Aucun siècle n'est autant marqué par le changement que le xvie siècle. Une histoire de l'art qui ne s'attacherait qu'aux grands noms aurait tendance à tenir cette période pour une période de transition, entre Metsys et Rubens, pauvre en œuvres de génie, à part, bien entendu, celles de Pieter Bruegel. Aussi l'essentiel de ce siècle ne peut-il être vraiment compris dans une telle perspective.
Des élites nouvelles
Depuis Quentin Metsys, Anvers est la ville de l'avenir, Bruges celle du passé. À partir de ce moment, ce sont les magnats du négoce et de la finance qui passent les grandes commandes et qui impriment leur propre sceau à l'art, sans du tout se conformer à l'aristocratie internationale. Il y a de plus en plus de commandes émanant des autorités communales. Ces élites nouvelles, municipales ou communales, qui, brusquement, prenaient rang, rompaient avec le passé. Pour lors, l'idéal de vie ne s'inspire plus uniquement de l'Église, mais aussi des Anciens. Le marchand soumis aux caprices de la fortune doit administrer sagement ses biens terrestres, mais il ne peut pas s'y attacher ; il doit être stoïcien aussi bien que chrétien. C'est la raison qui rend l'homme bon ; quand ce n'est plus elle qui serre la bride aux sens, l'homme cède au péché. La situation de l'homme moderne est aussi difficile face à l'Église nouvelle que devant l'ancienne car, comme Érasme, il cherche en vain dans l'une comme dans l'autre la réalisation de ses idéaux. Il participe à la culture humaniste qui, bientôt, cesse d'être l'apanage de quelques grands hommes, mais se répand et devient accessible à beaucoup. L'artiste s'affranchit de l'artisan pour passer du côté des « génies », à l'exemple de ses collègues italiens, et les commanditaires deviennent des mécènes. Peintre et protecteur des arts peuvent débattre d'Ovide, de Plutarque et de l'art italien. L'iconographie se renouvelle plus au cours de cette période qu'elle ne le fit avant ou après. Certes, à côté des inventions, certaines formes picturales se maintiennent pour les grands sujets religieux. L'accent se déplace plutôt de la vérité théologique et de la contemplation vers l'éthique. C'est ainsi que la parabole de l'Enfant prodigue se mue en une allégorie de la sottise de l'homme qui se laisse guider par ses sens. L'éthique fondée sur l'« art de bien vivre » (Wellevenskunst, D. V. Coornhert) relève de la raison, et l'art également. Les mythologies et les allégories prennent le pas sur les sujets bibliques et donnent même lieu à de véritables traités en images. Mais le ton d'avertissement, d'appel à la prudence, se reconnaît aussi, pour peu que l'œil s'y habitue, dans les natures mortes qui sont des emblèmes de vanité, ou dans des kermesses paysannes, paradigmes repoussants de la vie soumise aux plaisirs et non à la raison.
Les genres : portrait et paysage
La plus grande innovation iconographique est certainement l'apparition des genres qui sont indépendants du contexte de l'art religieux du xve siècle. On a déjà remarqué que le paysage indépendant s'est développé à partir des arrière-plans des retables. Une même tendance a stimulé l'art du portrait qui avait commencé, avec hésitation, à mener avec Van Eyck sa vie propre : maintenant, au lieu des pieuses figures de donateurs discrètement agenouillés dans les retables, apparaissent les orgueilleux portraits destinés aux hôtels des bourgeois.
Metsys est le premier portraitiste du siècle ; après lui viennent Jan Gossaert ou Gossart et Jan van Scorel. Leur désir de faire ressortir la personnalité du modèle, de façon très vivante, par un regard ou un geste, conduit parfois[...]
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Écrit par
- Lyckle DE VRIES : professeur à l'Institut d'histoire de l'art de l'université de Groningue, Pays-Bas
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Médias