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PÉLAGIANISME

La seconde querelle pélagienne (418-432)

Au centre de la longue polémique qui oppose Augustin à Julien d'Eclane se trouve le problème du mariage. En effet, c'est par une glorification optimiste de ce dernier que Julien espère ruiner logiquement la thèse de l'existence du péché originel que soutient l'évêque d'Hippone. Il s'acharne contre l'idée, qu'il croit augustinienne, d'une responsabilité héréditaire tenant aux conditions physiologiques et sexuelles de la génération. On trouve ici, amplifiée et axée sur un point précis, la même hostilité farouche qu'éprouvait Pélage envers toute entrave à l'exercice de la liberté de l'homme. L'apologie du bonum naturae conduit naturellement le pélagien à l'apologie d'une sexualité considérée en elle-même, hors de toute connotation morale. C'est là la pièce maîtresse du système de Julien : Dieu bon a fait l'homme bon ; c'est lui qui a créé les corps, distingué les sexes, fait les organes génitaux ; c'est Dieu qui a donné aux corps cette passion par laquelle ils s'unissent. Or, Dieu n'a rien fait de mal ni de coupable. Tant de bonnes choses, les sexes, les unions entre hommes et femmes, ne peuvent produire de mauvais fruits. Le démon n'a pas sa place dans la Création ; le mal n'y existe pas en soi. C'est donc à Dieu qu'il faut rapporter la passion et le désir qui pousse à l'union sexuelle. Ce qu'Augustin appelle «   concupiscence » n'est pour Julien que manifestation de l'élan vital. Propriété constitutive de la vie conjugale, la sexualité n'est pas plus blâmable que la respiration ou que toute autre fonction naturelle. Manifestation de la vie, elle fait donc partie de la Création et participe à la bonté essentielle de cette dernière.

Mais, voulant arracher la sexualité à la contrainte de la concupiscentia que dénonce Augustin, Julien n'a pas senti que, même en refusant l'idée du péché originel, il aboutissait à diminuer l'intégrité de l'homme, en le croyant mû par des pulsions identiques à celles qu'éprouve l'animal. Car, s'il marque néanmoins une différence entre l'homme et ce dernier, entre la sexualité et l'instinct, ce n'est qu'en reprenant les thèmes traditionnels de l' ascèse chrétienne, donc en délaissant le plus original de sa pensée. En effet, de cet optimisme devrait, en bonne logique, découler une conception originale du mariage, acceptant franchement et totalement la sexualité, ce qui eût été une grande nouveauté pour l'époque. « Le mariage, écrit Julien à Augustin, n'est rien d'autre que le mélange des corps. » S'ensuit-il que l'homme, capable d'impeccantia, soit capable d'assumer en toute pureté sa vie sexuelle ? Julien ne le croit pas, car, comme Pélage, il est d'abord un ascète. Il introduit donc dans sa doctrine du mariage la notion d'une loi qu'il faut observer et qui impose l'emploi d'un modus, d'une mesure. C'est dans la modération sexuelle volontaire que réside la différence entre l'homme et l'animal ; chez ce dernier, Dieu a laissé sans contrainte les instincts, tandis que, chez l'homme, la raison, donnée par Dieu, établit des bornes au désir sexuel. On voit sans peine que cette notion de modus se rattache à une longue tradition ascétique, dont Pélage et Julien ne sont que les derniers maillons et qui fut prônée par les philosophes grecs avant d'être assumée par les penseurs chrétiens. Cette modération que seule la raison impose à l'homme est-elle, en définitive, le témoignage d'une morale sans excès ni abus ou simplement le reflet de contraintes religieuses et sociologiques (la modération sexuelle étant conçue comme nécessité et défense du mariage) ? La tradition ascétique,[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur de l'Institut de recherches pour l'étude des religions

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