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PÈLERINAGES & LIEUX SACRÉS

Les termes de « pèlerinage » et de « lieu sacré » sont typiquement occidentaux : si l'on met à part les langues germaniques, ce sont les formes latines de peregrinatio et de loca sacra qui sont, non seulement dans les parlers latins mais aussi dans tout le monde anglo-saxon, les racines communes du vocabulaire vernaculaire désignant ces faits essentiels de l'expérience religieuse. Mais, sous d'autres appellations, les réalités que ces mots enserrent se retrouvent dans un très grand nombre de cultures : sans abuser du terme, on peut les dire quasiment planétaires. En tant que telles, elles apparaissent comme des données d'une anthropologie de l'homme en sa vie de religion, nullement liées à une religion institutionnelle établie – celle-ci se réclamât-elle d'un acte divin fondateur –, mais inscrivant en elle une démarche, plus libérée (tant des formes rituelles de la vie ecclésiale que des modes de vie habituels), marquée, dans l'espace et dans le temps, par des traits patents d'extraordinaire et, dans une équilibration évidente de la vie d'un exister religieux, ouvrant une autre et rare voie d'accès à la « rencontre » avec des présences surnaturelles ou des réalités sacrales.

Un bref profil confirmera aisément, au cœur des cultures les plus différentes, la donnée universelle de l'existence de « lieux sacrés » et de la pratique, constante, massive, du pèlerinage.

Figures peut-être du pèlerinage des vivants sont ces pèlerinages des morts aux villes saintes d'Héliopolis ou de Bousiris, dans l'Égypte ancienne, qui connut le développement des mystères osiriens d'Abydos, les panégyries de Memphis et de Thèbes, ou cette fête de Boubastis qui fascinait Hérodote avec des foules soigneusement dénombrées par myriades. Dans la Grèce ancienne, Delphes ou Delos, l'île sainte, sanctuaires panhelléniques d'Apollon, Épidaure, centre de ce culte d'Asklepios qui rayonnera jusque dans l'île tibérine au cœur de Rome, Éleusis, dont les fêtes de la célébration des mystères provoquaient un concours populaire de milliers de pèlerins, unissaient, pour les assouvissements des foules en mal d'être, divination, thérapie, mystagogie et spectacle. Aux rives orientales de l'Égée, l'Artémis d'Éphèse concentrait des masses dévotes et chargées de dons. Par strates historiques successives, les lieux sacrés d'Israël regroupent les tombeaux des patriarches – dont l'un des plus insignes, cette grotte de Makpala à Hébron, où reposeraient selon la tradition biblique Abraham et sa famille –, les grands lieux de rassemblement de l'époque des Juges, la Silo de Samuel, gardienne un temps de l'Arche, et Sichem, où se réunissaient les tribus d'Israël, Jérusalem enfin, qui fut, dès l'époque royale, le centre spirituel du peuple élu et la gardienne du Temple, avant que l'histoire postérieure n'en fasse le lieu par excellence de l'œcuménisme pèlerin.

Pour l'Occident chrétien, de l'une et de l'autre orthodoxie, il suffira d'égrener quelques lieux vénérés d'un très large culte : outre Rome, capitale historique de l'Occident pèlerin, Saint-Jacques de Compostelle et Fatima, dans la péninsule Ibérique, Lourdes et Lisieux, dans la France contemporaine, avec un regard nostalgique vers Saint-Michel au mont Tombe, notre Mont-Saint-Michel, l'un des grands pèlerinages de la fin du Moyen Âge ; Assise, Lorette ou Padoue, dans une Italie foisonnante de lieux pèlerins ; Montaigu en Belgique, Echternach au Luxembourg, le Canterbury de Chaucer ou le Purgatoire de saint Patrick dans une île du Lough Derg d'Irlande, pour l'Europe nordique ; et, dans le monde alémanique, de grandes villes comme Aix, la ville impériale, Cologne dans la prestigieuse aura des Rois mages ou[...]

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Écrit par

  • : président d'honneur de l'université de Paris-Sorbonne, professeur émérite à la Sorbonne, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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Médias

Fátima - crédits : George Pickow/ Hulton Archive/ Getty Images

Fátima

Abbaye d'Echternach - crédits : Christoph Hähnel/ Panther Media/ Age Fotostock

Abbaye d'Echternach

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Temple d'or d'Amritsar, Inde

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