Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PÈLERINAGES & LIEUX SACRÉS

Nature des « lieux sacrés »

Cet affleurement anthropologique, on peut le retrouver et sensiblement l'élargir en considérant maintenant, les motivations dites, les complexes réalités qui constituent, au terme de la route, le lieu sacré ou saint. On peut, semble-t-il, sans schématisme abusif, discerner quatre grandes catégories permettant de classer, dans leur spécificité originelle, ces lieux où l'espace se transmue jusqu'à devenir puissance sacralisante. La distinction la plus immédiate s'établit entre les lieux sacrés consacrant un phénomène de la nature physique et ceux, au contraire, qu'illustre une histoire. Plus rares, mais plus révélatrices encore des enracinements profonds du fait pèlerin, sont les deux autres catégories de lieux sacrés : les uns ont un caractère eschatologique ; les autres sont des lieux de règne ou de sources.

Lieux sacrés cosmiques

Montserrat - crédits : Linny Cunningham/ The Image Bank/ Getty Images

Montserrat

La première catégorie développe une large constance planétaire. Dans l'ancien Israël, les lieux pèlerins des patriarches retrouvent et égrènent les étapes naturelles de la transhumance nomade, avec les sources, les puits, les points d'eau nourriciers et les arbres protecteurs. On sait que le pèlerinage hindou grandit à partir du tīrtha, au franchissement d'une eau ; confluences de rivières, embouchures de fleuves sont, par nature, lieux de sacralisation, telle Allahabad, le « Confluent par excellence », qui est la « demeure de Dieu ». Bénarès et Hardwar – ce dernier lieu se situant là où les gorges libèrent la masse tumultueuse des eaux du Gange de l'écrasement himalayen – proclament la sacralisation du fleuve. Grottes, sources, rochers sacralisent l'espace pèlerin japonais, où culmine, à plus de trois mille mètres, la montagne sainte du Fujiyama. Pics et lacs de haute montagne représentent, aussi bien en Inde qu'au Tibet et en Chine, autant de lieux possibles d'élection sacrale, tel ce Wutaishan aux Cinq Montagnes, où défilaient en masse pèlerins tibétains et mongols. Cinq montagnes sacrées constituaient, dans l'ancienne Chine, le circuit des pèlerinages de l'empereur ; et le pèlerinage chinois, la sémantique le confirme, se définit comme l'acte de gravir des montagnes. Dans le choix de la montagne pour l'épreuve pèlerine, l'Europe connaît aussi ses hauts lieux : ainsi, dans l'espace européen, l'Oropa piémontais, l'insigne Gargano dans les Pouilles, le Maria Waldrast autrichien, à mille six cents mètres d'altitude, le Prjibram, le plus fréquenté des pèlerinages tchèques, le Ziteil des Grisons, sanctuaire marial à plus de deux mille quatre cents mètres – le plus haut d'Europe, dit-on –, ou bien, en France, des sanctuaires de génie fort différent, le Mont Saint-Odile en Alsace, Notre-Dame de Vassivière en Haute-Auvergne ou, dans les Alpes, le Laus ou la Salette. Dans ce concert de nature interviennent aussi les îles, celle de Putu en Chine, surchargée de pagodes et de temples, la panhellénique Delos dans la Grèce ancienne ou l'actuelle Tinos, avec le culte estival de la Panagia Evangelistria. C'est dans une île aussi que, unissant la double vertu sacrale du lac qui la contient et de l'île elle-même, se trouve le célèbre « Purgatoire de saint Patrick », au cœur du culte pèlerin de l'Irlande. Quelques-uns des lieux sacrés les plus célèbres se situent dans des cadres de nature grandiose, là où justement la puissance du cosmique paraît accablante pour l'homme : Delphes, Montserrat en Catalogne ou le vertigineux cañon de Rocamadour en sont d'étonnants exemples. Innombrables enfin sont les lieux pèlerins du vieil Occident où l'on vénère une source ou une fontaine, comme si, au commencement toujours, l'eau avait signé le choix du lieu.

Dans le déploiement de l'univers naturel, des lieux apparaissent ainsi, marqués[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : président d'honneur de l'université de Paris-Sorbonne, professeur émérite à la Sorbonne, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Médias

Fátima - crédits : George Pickow/ Hulton Archive/ Getty Images

Fátima

Abbaye d'Echternach - crédits : Christoph Hähnel/ Panther Media/ Age Fotostock

Abbaye d'Echternach

Temple d'or d'Amritsar, Inde - crédits : Pramod Pushkarna/ Indiapicture/ Universal Images Group/ Getty Images

Temple d'or d'Amritsar, Inde

Autres références

  • ABYDOS

    • Écrit par
    • 2 681 mots
    • 4 médias
    ...pays. À la XIIe dynastie, sous Sésostris Ier, Osiris a définitivement supplanté le dieu local et Abydos est devenu un grand centre de culte et de pèlerinage ; le dieu est alors fréquemment nommé Osiris Khentamentyou. À l'Ancien Empire, seul le pharaon aspirait à devenir lui-même Osiris après sa...
  • AMÉRINDIENS - Hauts plateaux andins

    • Écrit par
    • 4 689 mots
    Ces croyances peuvent également intégrer des éléments chrétiens.Tel est le cas du célèbre pèlerinage du Koyllur Riti, dans le département du Cuzco, qui se déroule entre l'Ascension et la Fête-Dieu. Alors que l'objectif final est d'atteindre le glacier sacré où vivent les ancêtres, le rite contient...
  • BÉNARÈS

    • Écrit par
    • 287 mots
    • 1 média

    L'une des grandes villes de l'Inde, Bénarès (ou Bānaras ou Vārānasi) est située dans la plaine du Gange. Son rôle de capitale religieuse de l'hindouisme, du bouddhisme et du judaïsme en a fait un grand centre de pèlerinage depuis plusieurs millénaires. Il est bénéfique de mourir...

  • BERSABÉE ou BEERSHEBA

    • Écrit par
    • 406 mots
    • 1 média

    Ville de la tribu de Siméon située dans le sud de la Palestine (Néguev), à la limite du territoire israélite qui, à l'époque de David et de Salomon, s'étendait « de Dan à Bersabée » (Jug., xx, 1). La ville de Bersabée (Beersheba), dont le nom signifie probablement « puits...

  • Afficher les 18 références