BALKANS ou PÉNINSULE BALKANIQUE
Les Balkans de 1945 à 1990 : des voies de développement séparées
Les États balkaniques ont connu, de 1945 à la fin des années 1970, des rythmes de croissance élevés, supérieurs à ceux des pays développés, Japon excepté. Grèce, Yougoslavie et Bulgarie se situaient à un niveau de développement nettement supérieur à celui de l'Albanie. Partie de plus bas, celle-ci avait dû consentir d'autant plus d'efforts que sa population a triplé depuis 1945, cas d'espèce en Europe. Les objectifs, en gros, étaient partout les mêmes : développer les infrastructures et désenclaver, élever le niveau d'éducation et de formation professionnelle, étendre l'irrigation, industrialiser. Mais les États des Balkans les ont poursuivis en ordre dispersé, dans le cadre de choix politiques divergents.
Des systèmes politiques différents
La Grèce, conservée au camp occidental à l'issue de la guerre civile, fait partie de l'OTAN – comme la Turquie – et a adhéré en 1981 à la CEE. Passée de la monarchie à la république en 1973, elle constitue une démocratie parlementaire pluraliste depuis la fin de la dictature militaire des années 1967-1974. Les trois autres États ont vécu, de l'immédiat après-guerre jusqu'en 1990 (1992 pour l'Albanie), sous des régimes marxistes à parti unique, mais leur union autour de l'URSS a été de courte durée. La Yougoslavie, après la condamnation de son régime par le Kominform (1948), créa un système politique et social d'autogestion et, bien que réconciliée avec Moscou (1955), conserva une ligne politique indépendante marquée par un vigoureux engagement tiers-mondiste dans le cadre du mouvement des non-alignés. L'Albanie, hostile à la déstalinisation, rompit avec l'URSS en 1961, puis établit des liens privilégiés avec la Chine jusqu'à la rupture de 1978. Elle fit ensuite le difficile pari d'un développement autocentré. Seule la Bulgarie, membre du pacte de Varsovie, demeurait dans l'alliance soviétique.
Outre les différences de régime, des problèmes pendants, souvent liés à la question nationale, compliquaient les rapports entre les États balkaniques. Ainsi, la querelle macédonienne se rallumait de temps à autre entre Belgrade et Sofia (la Yougoslavie avait invoqué l'existence d'une nationalité macédonienne pour créer une république fédérée de Macédoine, la Bulgarie ne reconnaissait pas cette nationalité, considérant qu'il s'agissait de Bulgares... sauf lorsque Moscou lui fit faire l'inverse) ; Tirana soutint avec véhémence – mais en paroles seulement – les revendications des Albanais du Kosovo qui, en 1968 et depuis 1981, réclamaient la transformation de leur province en une septième république yougoslave, ce que Belgrade considèrait comme le prélude à la sécession ; et la Grèce n'a mis fin qu'en 1987 à l'état de guerre avec l'Albanie qui durait depuis 1940.
Stratégies économiques
Le commerce extérieur des années 1980 illustre parfaitement les orientations divergentes des États de la péninsule. La Bulgarie faisait la plus grande partie du sien dans le cadre du CAEM (Conseil pour l'aide économique mutuelle), la Grèce avec les pays à économie de marché, la Yougoslavie à peu près également avec les deux groupes. Quant à l'Albanie, soucieuse d'indépendance, elle refusait toute relation avec les États-Unis comme avec l'URSS et s'abstenait de tout endettement, finançant de modestes achats de biens d'équipement par des exportations de produits primaires.
Du point de vue des structures et de la gestion de l'économie, Albanie et Bulgarie étaient adeptes de la planification centralisée impérative avec, en Bulgarie, un très haut degré de concentration des entreprises industrielles et agricoles. La Yougoslavie avait abandonné ce modèle dans les années 1950[...]
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Écrit par
- Jean AUBOUIN : membre de l'Institut
- Michel ROUX : professeur émérite
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