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PENTHÉSILÉE PEINTRE DE (actif 2e quart Ve s. av. J.-C.)

Au moment où le Peintre des Niobides, vers ~ 460, s'essayait à transformer sur quelques vases attiques à figures rouges d'importantes dimensions certaines des trouvailles de la grande peinture contemporaine, celui de ses compatriotes que l'on appelle Peintre de Penthésilée, d'après le nom de l'Amazone représentée dans une de ses œuvres les plus expressives, tentait la même entreprise, mais en se limitant à la décoration de petits vases, en particulier de coupes. Sur les cent quatre-vingts vases — entiers ou fragmentaires — qu'on attribue au Peintre de Penthésilée, on compte en effet plus de cent cinquante coupes, qui éclipsent les quelques gobelets à deux anses horizontales (skyphos), canthares, pyxides (sortes de coffrets) et bobines où l'on reconnaît aussi sa main. Le décor extérieur de ces coupes se présente de la même façon que celui des coupes peintes au cours du demi-siècle précédent, depuis l'apparition de la technique des figures rouges, occupant tout l'extérieur de la vasque, excepté la zone située sous les anses. Mais la disposition du décor intérieur est nouvelle : au lieu de se limiter à un médaillon central de 10 à 20 centimètres de diamètre, il s'étend souvent à la quasi-totalité de la vasque, ce qui lui donne une ampleur relative d'autant plus remarquable que les coupes du Peintre de Penthésilée sont souvent très grandes ; l'une d'entre elles — trouvée dans la nécropole de Spina, en Italie du Nord, et conservée au Musée national de Spina, à Ferrare (inv. T.18 C VP) — est même la plus grande coupe attique à figures rouges connue à ce jour, avec un diamètre d'environ 70 centimètres.

L'ensemble de la production du Peintre de Penthésilée est de bonne qualité, mais son répertoire est le plus souvent assez banal, avec des scènes de genre inspirées essentiellement par la vie des jeunes gens : scènes de palestre, de conversation, de banquet, d'armement, de soin des chevaux. Plusieurs scènes mythologiques ne sont en fait que des scènes galantes dans le goût du jour : ainsi la poursuite amoureuse d'Éos, l'Aurore, par Képhalos ou Tithonos, comme chez le Peintre d'Achille. À côté de ces œuvres qui suffiraient à lui assurer un honnête renom, le Peintre de Penthésilée a réalisé, principalement pour la décoration interne de ses grandes coupes, quelques-uns des plus beaux tableaux de la peinture grecque sur vases, très probablement sous l'influence des artistes de la grande peinture contemporaine, comme Polygnote de Thasos ou Mikon d'Athènes. Le plus célèbre de ces tableaux représente, à l'intérieur d'une coupe de Munich (Staatliche Antikensammlungen, 2688), l'élément central d'une amazonomachie, certainement la mise à mort par Achille de la reine des Amazones, Penthésilée, au moment même où les héros, selon la légende, découvrent — mais trop tard — leur amour réciproque. La composition est remarquablement adaptée au cadre circulaire de la coupe, et le souci de réalisme se manifeste de plusieurs façons : dans la multiplication des plans pour donner l'illusion d'une bataille, dans la pose très recherchée du héros grec, avec torsion du bras gauche rejeté en arrière pour soutenir le bouclier et raccourci subtil de la jambe et du pied gauches, et enfin dans l'adjonction de certains éléments colorés tels que l'application d'argile dorée en léger relief pour rendre des détails comme la boucle d'oreille, le bandeau et le bracelet de l'Amazone. Mais c'est surtout par l'expression du sentiment que le tableau est remarquable : la convergence et l'intensité extrême des regards, grâce au dessin désormais parfait de l'œil vu de profil, créent entre les deux personnages une tension dramatique qui fait penser aux tragédies contemporaines d'Eschyle et de Sophocle.[...]

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Écrit par

  • : ancien membre de l'École française d'archéologie d'Athènes, docteur ès lettres, professeur de civilisation grecque à la Sorbonne (Paris IV)

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