PERCEPTION
Le monde autour de nous contient des objets potentiellement désirables (comme des fruits), ou parfois dangereux (comme des bris de glace). Reconnaître et distinguer ces différents objets et agir sur eux d’une façon conséquente est essentiel à notre survie. La capacité de bien reconnaître le visage et la voix des personnes que nous rencontrons détermine notre vie sociale. La compréhension du langage oral, également essentielle à la communication interpersonnelle, dérive de la décodification des sons des mots que nous entendons. Le fait même de lire ce texte dépend de mécanismes perceptifs qui déchiffrent les signes sur la page ou sur l’écran, leur permettant d’atteindre les circuits cérébraux du langage. Même le plaisir esthétique que nous éprouvons en admirant une peinture ou en écoutant une symphonie dépend de notre capacité de percevoir les contours des images, leurs couleurs, ou les sons produits par les instruments de musique.
Le terme « perception » (du latin percipio, « saisir ») désigne ces capacités de reconnaître les personnes, les objets, les couleurs, les odeurs, les bruits et les sons de notre environnement, c’est-à-dire de mettre en relation notre expérience présente de l’environnement avec les expériences passées stockées en mémoire. De plus, nous percevons le goût de ce que nous mangeons et buvons, le contact, la pression, la température et la douleur sur notre peau. Mais la perception n’est pas seulement tournée vers le monde extérieur (extéroception). Nous faisons également l’expérience de certaines caractéristiques relatives à notre milieu intérieur (intéroception) : faim, douleur et autres sensations en provenance des viscères, parfois le battement de notre cœur. En outre, afin d’interagir efficacement avec l’environnement, nous avons besoin de connaître la position et les mouvements de notre corps : les mouvements de la tête (à partir du système vestibulaire de l’oreille interne), la position et les mouvements des membres (proprioception statique et kinesthésie ou sens du mouvement, à partir des muscles et des tendons).
Une taxonomie de la perception
Une taxonomie élémentaire de la perception se fonde sur les différents récepteurs situés à la surface et à l’intérieur de notre corps, qui traduisent en signaux nerveux les différentes sortes d’énergies auxquelles notre corps est soumis : la rétine de l’œil, pour la vue ; l’oreille interne, pour l’ouïe et le sens de l’équilibre ; les récepteurs de la peau, pour le toucher, la douleur (nociception) et le sens de la température (thermoception) ; la langue et le palais, pour le goût ; la muqueuse nasale, pour l’odorat ; les fuseaux neuromusculaires et les organes tendineux de Golgi, pour la proprioception et la kinesthésie.
Ces différents récepteurs communiquent avec des régions spécifiques du cerveau. Par exemple, la perception visuelle s’organise en plusieurs étapes à partir de la rétine ; après avoir voyagé de l’œil jusqu’au cortex occipital (à l’arrière du cerveau), l’information visuelle repart vers l’avant en suivant des voies parallèles de traitement : une voie ventrale (en bas dans le cerveau), qui sert à l’identification perceptive des objets visuels (voie du « quoi ») ; une voie dorsale (en haut dans le cerveau), qui localise les objets visuels dans l'espace (voie du « où ») et programme les mouvements de la main pour les atteindre (voie du « comment »). Des dysfonctionnements de la voie ventrale (par exemple, dus à des accidents vasculaires ou à des maladies neurodégénératives) peuvent déranger la reconnaissance des objets (agnosie visuelle) ou des visages (prosopagnosie), même en présence d’un acuité visuelle normale. Des lésions de la voie dorsale peuvent entraîner une difficulté à produire un mouvement précis de la main pour atteindre un objet dans la périphérie visuelle (ataxie optique). Des lésions dans d’autres endroits[...]
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Écrit par
- Paolo BARTOLOMEO : médecin neurologue, directeur de recherche à l'INSERM
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