Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PERCEPTION (notions de base)

La perception dans le temps

Il en va de même en ce qui concerne le temps. Nous ne percevons pas le temps, nous percevons dans un temps que nous construisons. « Un chemin “objectivement” plus long peut être plus court qu’un chemin “objectivement” très court [...] si ce chemin paraît à celui qui le parcourt infiniment long », note Heidegger dans Être et Temps. Avons-nous affaire ici à une appréciation « purement subjective » ? Mais, si l’homme n’avait jamais éprouvé ces proximités et ces éloignements, aurait-il jamais décidé de mesurer l’espace ? « Il s’agirait alors d’une “subjectivité” qui nous découvre, peut-être, ce qu’il y a de plus réel dans la “réalité” du monde ». Trente ans avant Heidegger, Henri Bergson (1859-1941) s’était penché dans Matière et mémoire (1896) sur la « subjectivité » du temps. Pour lui, n’y a pas d’abord le temps de l’horloge, le temps mathématique. C’est parce qu’il existe une durée vécue et perçue que l’homme peut décider ensuite, et ensuite seulement, de mesurer le temps. La seule dimension qui mérite en définitive d’être qualifiée de « temps » est la durée ressentie intérieurement par la conscience.

Mais on pourrait reprocher à Heidegger autant qu’à Bergson de négliger les conditions physiologiques de la perception du temps, ou de la perception dans le temps. Tous les deux ignorent ce que les biologistes ont dénommé le « point de temps ». Il s’agit de la durée brève en laquelle deux excitations donnent lieu à une seule sensation. Ce point de temps varie selon les espèces. En ce qui concerne la vision chez l’être humain, le point de temps est d’environ 30 à 40 millisecondes. La durée de ce point de temps permet par exemple au cinéma de produire l’illusion du mouvement : alors que toutes les images projetées sont absolument immobiles, la persistance rétinienne liée au point de temps a pour effet que les images successives et immobiles nous font croire à la continuité et au mouvement, nos yeux étant incapables de séparer les perceptions dont la durée est inférieure au point de temps. Devant une projection cinématographique, d’autres êtres vivants dotés d’un point de temps différent ne verraient pas le même spectacle que les humains.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

Classification