PERCEPTION
Sensation et perception
Une distinction traditionnelle en psychologie expérimentale est celle entre sensation et perception. Selon cette distinction, la sensation concernerait des qualités élémentaires des objets. Par exemple, dans la modalité visuelle, on peut avoir la sensation des contours ronds d’une pomme, ou de sa couleur rouge ; en revanche, l’expérience de la pomme comme objet unitaire (rond et rouge) se ferait grâce à la perception. Les processus perceptifs, avec l’aide de l’attention, lient donc les qualités élémentaires des objets en les intégrant en un objet perceptif unitaire (binding de la littérature anglo-saxonne) et distinct du fond. La distinction sensation/perception reste toutefois relative. Dans l’exemple précédent, même l’expérience de la couleur rouge de la pomme est moins élémentaire que ce que l’on pourrait croire, car elle sollicite des mécanismes perceptifs complexes qui nous permettent de voir le rouge en relative indépendance des conditions d’illumination : nous percevons le « même » rouge en plein soleil ou à la lumière artificielle, même si la longueur d’onde de la lumière réfléchie peut être très différente entre ces conditions (constance des couleurs).
La psychophysique est la discipline qui essaie de mettre en relation l’intensité physique d’un stimulus avec l’intensité de la sensation qu’il provoque. Elle a été fondée par le psychologue allemand Gustav Fechner (1801-1887), qui énonça la loi de Weber-Fechner et la nomma ainsi en hommage aux travaux de son maître Ernst Heinrich Weber. La loi de Weber stipule que l’intensité d’une sensation est proportionnelle au logarithme de l’intensité physique du stimulus (par exemple, le poids d’un objet ou le volume d’un son), multiplié par une constante. La relation logarithmique implique que des modifications relativement grandes d’intensité physique (série géométrique) se traduisent par des modifications relativement plus petites au niveau des sensations (série arithmétique). Le seuil absolu de perception désigne l’intensité minimale au-dessous de laquelle le stimulus n’est plus détecté. Fechner introduisit également la notion de seuil différentiel, correspondant à la plus petite différence d'intensité perceptible entre deux stimuli ; le rapport entre le seuil différentiel et l’intensité physique d’un stimulus utilisé comme standard de comparaison (fraction de Weber) est constant. Par exemple, si la fraction de Weber est de 1/30 pour le poids, il est possible de distinguer entre deux poids de 30 et 31 grammes, mais il faudra une différence de 10 grammes si les poids à discriminer se situent autour de 300 grammes. Au-dessous du seuil différentiel, la discrimination entre deux stimuli n’est plus possible.
En réalité, ces seuils ne dépendent pas seulement de l’intensité physique du stimulus, mais peuvent varier en fonction de plusieurs facteurs, comme des fluctuations dans l’état d’attention du sujet, ou de la sensibilité de ses organes des sens. Cette variabilité est décrite par des courbes psychométriques, où la proportion de détections ou discriminations correctes est tracée en fonction de l’intensité du stimulus.
Cependant, la détection d’un stimulus ne se fait pas dans le vide, mais par rapport à un « bruit de fond », par exemple généré par l’activité nerveuse de base. La théorie de la détection du signal tient compte de cela. À chaque essai, l’observateur doit prendre une décision concernant la présence ou non d’un stimulus externe (signal). L’observateur pourra donner deux types de réponse correcte : « oui » quand le signal est présent (détection correcte), « non » quand il est absent (rejet correct) ; mais il pourra également se tromper, en répondant « non » quand le signal est présent (omission) ou « oui » quand il est absent (fausse alarme). La réponse de l’observateur dépendra alors d’une part de sa[...]
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Écrit par
- Paolo BARTOLOMEO : médecin neurologue, directeur de recherche à l'INSERM
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