PERCEPTION
Le rôle du temps
Une limite importante de ces modèles est le manque de prise en compte du temps. Or, le temps influence la perception, par exemple dans les phénomènes dits d’adaptation sensorielle : pendant une stimulation prolongée ou répétitive, les réponses de nombreux récepteurs et neurones sensoriels diminuent avec le temps. D’une façon générale, nous percevons mieux un stimulus présentant des variations d’intensité ou de position qu’un stimulus qui reste stable. Ainsi, juste après nous être habillés, nous ne percevons plus la stimulation tactile de nos vêtements sur notre peau. Dans la modalité visuelle, pour reconnaître un objet nous avons besoin que nos yeux soient fixés sur l’objet pendant un certain temps, afin que l’image visuelle soit stable sur la rétine ; toutefois, quand on maintient l’image visuelle absolument immobile (en provoquant une paralysie temporaire des muscles qui font bouger l’œil, ou en stabilisant l’image grâce à une projection informatisée qui change la position de l’image en parfaite cohérence avec les mouvements des yeux), au bout de quelques dizaines de secondes nous ne voyons plus rien (effet Troxler). Pour continuer à voir, nous avons donc aussi besoin de très petits mouvements des yeux pendant la fixation. On voit ainsi que la perception d’un objet est déterminée par une fenêtre temporelle assez précise : un temps minimal de présence sur la rétine est nécessaire, mais un temps trop long de persistance rétinienne sans aucun changement de position est délétère.
Dans des conditions de perception ambiguë, le déroulement du temps sert aussi à accumuler de l’évidence sensorielle, jusqu’au moment où nous pouvons arrêter une décision perceptive avec une certaine confiance. Par exemple, quand, dans la nuit, je vois une petite lumière dans le ciel, je peux décider qu’il s’agit d’un avion ou d’une étoile si j’attends un peu pour voir si la lumière bouge ou non. Selon les modèles psychophysiques d’accumulation, plus je prends de temps, plus ma décision a de chances d’être correcte, car elle sera fondée sur une plus abondante évidence sensorielle ; inversement, la rapidité de mes réponses se fera aux dépens de leur précision. Il s’agit donc ici d’un compromis entre vitesse et précision de réponse (speed/accuracytradeoff de la littérature anglo-saxonne), un phénomène très général en psychologie expérimentale.
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Écrit par
- Paolo BARTOLOMEO : médecin neurologue, directeur de recherche à l'INSERM
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