PERCEVAL OU LE CONTE DU GRAAL, Chrétien de Troyes Fiche de lecture
Le monde rédimé
Dans le monde de plus en plus étrange dans lequel s'aventure Gauvain – il est obligé d'aller en quête de la Lance qui saigne –, la violence est la norme. Elle prend souvent la forme d'une violence sexuelle dont la première victime est bien entendu la femme. On peut alors lire le parcours hasardeux du chevalier comme un effort pour restaurer la paix et la justice, en bref l'ordre arthurien du monde. En triomphant enfin des épreuves magiques du Château des Reines (où se sont réfugiées loin du monde et hors du temps des hommes la mère d'Arthur, la mère de Gauvain et sa fille), Gauvain mène à bien une aventure d'une autre dimension. Il réinsère dans le cours du temps ce Château des Belles au bois dormant, lui restitue sa fécondité et réussit là où Perceval a jusqu'alors échoué, en renouant le fil des générations, en rendant de nouveau fécond un monde fermé sur lui-même, comme l'était la « Déserte Forêt perdue » où la « Veuve Dame » mère de Perceval avait en vain tenté de retenir son fils.
Dans son prologue-dédicace au comte de Flandre, Chrétien déclare qu'il a su « semer le roman qu'il commence » en une terre si fertile (la cour de Flandre) qu'il récoltera au centuple la semence qu'il a semée. Avec le Conte du Graal et son héros interdit de parole, Chrétien a en effet inscrit au cœur de la fiction arthurienne un questionnement – que dire du Graal, comment en retracer le parcours et en épuiser le sens ? – auquel, dès la fin du xiie siècle les auteurs des Continuations en vers et des romans en prose tenteront, chacun à sa manière, d'inventer une réponse.
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Écrit par
- Emmanuèle BAUMGARTNER : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Média