SHELLEY PERCY BYSSHE (1792-1822)
Shelley est le plus romantique des poètes anglais de la première moitié du xixe siècle ; il exerça longtemps une puissante fascination sur les lyriques de son pays, de Tennyson à Swinburne et à Yeats. Révolutionnaire dans sa jeunesse, accusé d'athéisme et d'immoralité, il fut en vérité l'une des plus pures figures du romantisme. Il s'exila en Italie où il mourut avant l'âge de trente ans. Il y a sans doute du déchet dans son œuvre, parfois trop molle et sentimentale. Ses longs poèmes manquent de substance humaine et de conflit tragique. À d'autres moments, il a trop peu redouté le didactisme, ce qui alourdit ses envolées. Mais dans certains courts poèmes et dans ses odes, d'une facture artiste et savante, il a atteint à une beauté formelle inégalée. La pensée qui sous-tend son lyrisme fait de lui l'un des rares poètes du siècle chez qui la philosophie ne nuit pas à la vivacité de l'émotion ni à la richesse suggestive du langage.
La Nature, l'Amour et la Mort
Le père du poète appartenait à la petite noblesse de province et possédait quelque fortune et des terres. Percy naquit à Field Place, dans le comté de Sussex. Il avait plusieurs sœurs qu'il charmait, tout enfant, par les histoires fantasques qu'il inventait avec facilité. Malheureux à l'école aristocratique d'Eton, où étaient en faveur les brutalités infligées par les anciens aux nouveaux élèves, il se révélait déjà non conformiste et révolté. Dès l'âge de dix-sept ans, il écrivait des romans, des poèmes et s'enflammait pour la libre pensée antichrétienne des philosophes du siècle des Lumières. Entré à Oxford en 1810, il en fut exclu le 25 mars 1811 pour avoir publié une brochure, Sur la nécessité de l'athéisme (The Necessity of Atheism). Cœur généreux et inflammable, toujours prêt à secourir les dames qu'il croyait en détresse et persécutées, Shelley épousa à dix-neuf ans une amie de ses sœurs, Harriet Westbrook, et eut d'elle une fille en 1813. Il entreprit des voyages en Irlande pour inciter le peuple à la rébellion et aux idées révolutionnaires, avec peu de succès. En 1812, il rencontra le philosophe William Godwin, dont il avait lu à Oxford l'ouvrage Enquête sur la justice politique... (An Enquiry Concerning Political Justice...). L'homme, en Godwin, était moins généreux que ses idées, proches de celles des « philosophes », et déçut vite son jeune admirateur. Il tomba amoureux de sa fille, Mary, et s'enfuit avec elle sur le continent en 1814. Elle mit au monde un fils, William. Pendant un temps, il crut possible d'organiser une vie en commun avec Mary et sa femme légitime, Harriet, avec laquelle il ne ressentait plus aucune affinité intellectuelle. Celle-ci se suicida dans le lac de Hyde Park en décembre 1816, et Shelley épousa peu après Mary Godwin. Il avait publié en 1813 un poème, La Reine Mab (Queen Mab), hâtif et juvénile, mais renfermant déjà de grandes beautés.
En 1816 paraissait son premier chef-d'œuvre, Alastor or the Spirit of Solitude, poème écrit en vers blancs, tout imprégné d'un ardent amour de la nature qui rappelle Wordsworth, et du pessimisme qui résulte d'une aspiration idéaliste vers un amour impossible. Une seconde œuvre, beaucoup plus longue, The Revolt of Islam, suivit en 1818, par endroits très belle, ailleurs pleine d'horreurs gratuites, et fort monotone. Shelley avait également composé en 1816 deux courts chefs-d'œuvre, « Le Mont-Blanc » et « Hymne à la beauté spirituelle ». Le premier est un poème philosophique, évoquant une extase panthéiste ressentie par le poète en communion avec la nature et avec la puissance mystérieuse qui l'habite et l'anime. L'influence de Rousseau s'y fait sentir, ainsi que dans l'« hymne », qui célèbre les visitations et les révélations de l'esprit de beauté, grâce suprême[...]
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Écrit par
- Henri PEYRE : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université Yale, Connecticut, États-Unis
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