- 1. Performance et tradition orale
- 2. De la musique au théâtre
- 3. Performer et transformer : Marcel Duchamp
- 4. Performance et narrativité
- 5. L'esthétique du groupe Zaj
- 6. Performance et présence
- 7. La performance comme fête
- 8. Performance et technologie : la question de l'aura
- 9. Au-delà de l'aura
- 10. De l'esthétique à l'éthique
- 11. Bibliographie
PERFORMANCE, art
« Performance » : ce vocable – loin de désigner un quelconque exploit sportif – relève de ce qu'il est convenu de considérer comme du franglais ; directement issu du verbe to perform, « interpréter », il est attesté au début des années 1970 dans le vocabulaire de la critique d'art aux États-Unis, et s'applique à toute manifestation artistique dans laquelle l'acte ou le geste de l'exécution a une valeur pour lui-même et donne lieu à une appréciation esthétique distincte. Qu'il ait fallu attendre une époque toute récente pour que « performer » fût reconnu comme une activité à part entière et susceptible de s'ériger en médium artistique autonome, cela peut paraître assez inattendu : la musique pour ne citer que l'art le plus propice sans doute à l'inflation de la virtuosité, n'avait-elle pas vu, depuis deux siècles, se multiplier les « grands interprètes » ? Et l'exégèse biblique n'a-t-elle pas suscité, en ce qui concerne la lecture des textes, une traditionherméneutique, c'est-à-dire interprétative au sens philosophique le plus profond, tradition qui relève d'un art quasi immémorial ? Mais ce qui caractérise chaque performance au sens américain, c'est son aspect de jaillissement vivant, c'est sa configuration de présence ici et maintenant.
Suis-je ici vraiment, ou est-ce seulement de l'art ? Am I really here or is it only art ? Cette interrogation, due à l'une des artistes les plus en vogue aujourd'hui dans l'univers de la performance, Laurie Anderson, permet de préciser le véritable enjeu de l'acte de performer : par-delà toutes les catégories esthétiques héritées, renouer avec l'immédiat, et exalter à cette fin ce qui, chez Mallarmé, se nomme « Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui ». On conçoit qu'un tel propos ait eu de quoi séduire, à notre époque, des artistes de formations diverses et de tendances apparemment irréductibles les unes aux autres. Tout un chacun, à tel ou tel moment, peut se reconnaître dans ce mot d'ordre du retour à l'immédiat ; d'où, certainement, des confusions et une part de désordre, ne serait-ce que dans l'emploi parfois exagérément laxiste du terme performance. Néanmoins, et malgré les risques souvent encourus, les performances traduisent une exigence de confrontation exemplaire entre des activités artistiques différentes ; après l'échec de la tentative wagnérienne d'unification des arts dans l'œuvre totale, le Gesamtkunstwerk, les performances ont une fonction décapante, critique. Ainsi que se plaisait à le faire ressortir un autre grand « performant », Robert Filliou : « Il n'y a plus de centre dans l'art. L'art c'est là où tu vis. » – formule qui eût pu sembler anodine, en ce qu'elle ne stipulait qu'une banale dissémination « moderniste », mais qui reçoit la plénitude de son sens dès lors qu'on l'accouple avec celle-ci, par laquelle Filliou résumait sa philosophie sur un mode faussement nihiliste : « L'art, c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art. ». Il conviendrait donc, à la limite, de distinguer autant d'esthétiques de la performance que de formes de vie – c'est-à-dire, pour reprendre le lexique du philosophe Ludwig Wittgenstein, de « jeux de langage »... Ce que les jeux de langage de Wittgenstein ont de caractéristique, c'est de refuser toute inféodation à un jeu suprême, à un « jeu des jeux ». De même, ce que les performances, si éloignées soient-elles les unes des autres, ont de commun, c'est leur décentrement, elles diffèrent profondément en ce qu'elles sont issues d'arts et de styles de vie distincts – et pourtant ce qui les réunit est une certaine façon de contester la [...]
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Écrit par
- Daniel CHARLES : musicien, philosophe, fondateur du département de musique de l'université de Paris-VIII
Classification
Média
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