- 1. Performance et tradition orale
- 2. De la musique au théâtre
- 3. Performer et transformer : Marcel Duchamp
- 4. Performance et narrativité
- 5. L'esthétique du groupe Zaj
- 6. Performance et présence
- 7. La performance comme fête
- 8. Performance et technologie : la question de l'aura
- 9. Au-delà de l'aura
- 10. De l'esthétique à l'éthique
- 11. Bibliographie
PERFORMANCE, art
De la musique au théâtre
On rattache habituellement les performances aux happenings ; cette filiation est, sans nul doute, à discuter. D'un point de vue strictement historique, le vocable « happening », qui désigne en anglais l'événement en général, avait d'abord été choisi par un artiste désireux de se simplifier la vie, et qui avait conscience d'œuvrer au confluent de différents arts, mais sans que l'appartenance de son travail à l'un plutôt qu'à l'autre s'imposât. En avril 1957, Allan Kaprow se décida pour le terme le plus neutre qui lui venait à l'esprit, et qui présentait l'avantage de ne préjuger d'aucune façon en faveur des « catégories conventionnelles » qu'étaient le théâtre, la peinture, la sculpture, la musique, la poésie ou la danse. L'œuvre, exposé dans la ferme de George Segal (située dans le New Jersey), consistait en un « environnement » (mot lui-même emprunté au peintre Jackson Pollock) regroupant à la manière d'un collage divers éléments artistiques. En 1958, Allan Kaprow devint l'étudiant du compositeur John Cage à la New School for Social Research de New York ; il poursuivit ses expériences sur le happening, en prenant soi d'organiser rigoureusement ses mises en scène grâce à une distribution précise des décors, de la lumière, des mouvements du public d'un lieu à l'autre, etc. ; bref, en fixant des cadres, voire des scénarios, qui permettaient de canaliser la participation des spectateurs promus au rang d'acteurs.
En ce sens, l'attitude de Kaprow tendait de plus en plus nettement à la réaffirmation d'un certain contrôle ; elle prenait par là le contre-pied de celle, délibérément non interventionniste, de John Cage. Il faut donc se garder de tenir ce dernier pour le père du happening : ce n'est que par un paradoxe médiatique qu'un tel label lui a, rétrospectivement, été attribué. La gloire d'Allan Kaprow, qui allait devenir l'un des pionniers du mouvement Fluxus, a en quelque sorte fait tache d'huile, et rejailli sur la célébrité de son maître ; celui-ci a été gratifié d'une invention qui n'était pas la sienne. Mais on ne prête qu'aux riches : bien avant Kaprow et ses happenings, John Cage avait imaginé de faire se rencontrer librement tous les arts, sans en excepter aucun. Il n'avait pas ressenti le besoin d'une désignation générique : « environnements » ou « assemblages » figurant déjà dans le vocabulaire des plasticiens, il avait seulement été question de « soirées » (evenings). Le mot le plus approprié, qui fut parfois employé lorsque le chorégraphe Merce Cunningham en fit la suggestion, était celui d'event ; un ensemble de performances.
C'est à Black Mountain College, en 1952, que se situe le premier spectacle du genre. Lecteur d'Antonin Artaud, Cage avait été frappé par les possibilités que faisait miroiter l'auteur du Théâtre et son double à partir de l'absence de scène : l'action, selon Artaud, allait pouvoir se déployer aux quatre coins de la salle, aux quatre points cardinaux... D'autre part, le maître spirituel de Cage, celui dont il avait suivi l'enseignement à l'université de Columbia, le Daisetz Teitaro Suzuki, n'avait pas seulement initié son auditeur au zen, il lui avait insufflé à la fois un culte pour Tchouang-tzeu et le plus grand respect pour le I Ching ou Livre des mutations – le célèbre recueil d'oracles de la Chine ancienne. Comment Cage n'eût-il pas identifié dès lors les « quatre points » d'Artaud aux quatre Orients de l'Empire – lesquels laissent le centre vide ? Et si l'on répartit les acteurs et le public dans les coins, autour du centre vide, n'obtient-on pas une configuration rappelant certains hexagrammes du [...]
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Écrit par
- Daniel CHARLES : musicien, philosophe, fondateur du département de musique de l'université de Paris-VIII
Classification
Média
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