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PERFORMANCE, art

L'esthétique du groupe Zaj

Performer, disions-nous à partir de l'exemple de M. Duchamp, c'est transformer un ready-made. Les analyses d'un J.-F. Lyotard montrent de quelle manière un ready-made se branche sur un discours : la tradition est une transformation s'appliquant à un récit pris comme ready-made. Et par « récit », il faut entendre l'ensemble des énoncés possibles, selon les divers degrés de narrativité envisageables. Un système philosophique est un récit, tout comme un mythe ou un conte ; tous les jeux de langage sont des récits, et la performance peut fort bien porter sur les formes de vie associées à ces jeux de langage, en débouchant ainsi sur le silence, sur des gestuelles totalement muettes. On retrouve par là le problème de la filiation de la performance par rapport au happening. Certains puristes – arguant principalement du fait que performer semble requérir, ou requiert en général, une activité scénique autonome, disjointe des réactions et participations du public – refusent toute assimilation de la performance au happening : insistant sur la problématique – issue d'Artaud – du théâtre « pur », non verbal, non langagier, un praticien et théoricien comme l'Américain Michaël Kirby voit dans le happening l'antithèse de la performance, dans la mesure où il s'agit d'un spectacle résolument théâtral, mais dont l'organisation est le fait (en général) des seuls plasticiens, lesquels optent (tout naturellement) pour des structurations insulaires ou compartimentées plutôt qu'informatives ou séquentielles, et ne retiennent du champ verbal que certains effets vocaux. Mieux vaut se garder cependant de durcir l'opposition entre happening et performance : les deux formes se rejoignent, dès lors que leur référence à la théâtralité s'approfondit. Soit une pièce classique : si les machinistes changent le décor, l'espace-temps que véhicule implicitement avec lui chaque personnage, et qui, par le contrepoint qu'il instaure avec l'espace-temps « réel » du public, confère sa signification à la théâtralité comme telle, cet espace-temps s'estompe ; et on peut même penser qu'il cesse d'exister. Le jeu, dans les happenings comme dans les performances, ressemble à celui des machinistes plus qu'à celui des acteurs ; l'interprète n'a que faire de la représentation d'un espace-temps imaginaire, il est censé restituer simplement l'attitude ou les mouvements que l'auteur a prévus. Cela exclut l'improvisation : bienvenue dans la commedia dell'arte où les caractères, une fois donnés, ont à s'ajuster les uns aux autres, l'improvisation est parfaitement superflue dans des spectacles qui, parce qu'ils présupposent la réalité de l'espace-temps en jeu, du Zeitspielraum, réduisent pour ainsi dire les interprètes (quelle que puisse être la complexité de ce qui leur est donné à interpréter) à n'être que des effets.

Performances et happenings ont en commun de susciter des situations a-logiques plutôt que logiques illogiques, et de viser des objets ou des matériaux « concrets », liés au quotidien plutôt que voués à l'abstraction d'une symbolisation centrée sur l'imaginaire.

S'il y a un sens, impossible de savoir lequel : nulle association, nulle configuration claire de détails ne dissipera l'indétermination de l'exécution ; nul réseau d'indices n'exorcisera la menace d'équivoque. On travaille sans filet. Et de ce que les interprètes « font de l'effet », on n'inférera pas la toute-puissance « causale » de l'auteur. Comme le dit Lyotard, « l'autorité sur les récits » ne saurait être attribuée à quelque « incompréhensible sujet de la narration ». Ce sont les récits qui « ont d'eux-mêmes cette autorité. Le peuple n'est en un sens que ce qui les actualise,[...]

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Écrit par

  • : musicien, philosophe, fondateur du département de musique de l'université de Paris-VIII

Classification

Média

John Cage - crédits : H V Drees/ Hulton Archive/ Getty Images

John Cage

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