PERGAME
Pergame, la capitale des Attalides, donne l'image la plus brillante et la mieux conservée du cadre urbain et architectural dans lequel se sont épanouies, après la mort d'Alexandre, les royautés hellénistiques. Puisant dans le répertoire architectural de la Grèce classique, les rois en adaptèrent les structures et les formes à leur volonté d'exprimer par la ville et par ses monuments les caractères spécifiques de leur pouvoir. La cité, la polis, qui offre le cadre le plus favorable à l'épanouissement du citoyen et à l'exercice de ses fonctions politiques, sociales et économiques, devient donc l'expression de la puissance royale, elle traduit ses fastes et inscrit dans le paysage et dans ses monuments la marque de sa souveraineté. Un esprit radicalement nouveau se manifeste alors. La ville-État devient capitale princière ; à sa composition géométrique, linéaire, égalitaire, purement fonctionnelle se substitue un urbanisme monumental, fastueux, où la recherche des masses et des volumes et leur mise en valeur l'emportent sur les préoccupations pratiques et fonctionnelles. En outre, les rivalités politiques se répercutent dans les conceptions architecturales. Les princes attalides font en effet de Pergame la rivale d'Alexandrie, la capitale des Ptolémées. Dans les sites célèbres de la Grèce antique, à Athènes, à Corinthe, dans les grands sanctuaires d'Olympie, de Delphes ou de Délos, les réalisations architecturales des uns et des autres s'affronteront. Rome n'aura qu'à poursuivre cette tradition : les grandes compositions de la fin de la République et du début de l'Empire romains sont en germe dans l'architecture pergaménienne.
Il appartenait aux Musées impériaux, puis à l'Institut archéologique allemand, à la suite de Carl Humann, de révéler Pergame et de mettre au jour les grands ensembles construits par Attale Ier et Eumène II à la fin du iiie siècle et dans la première moitié du iie siècle avant J.-C.
Le site et l'histoire
Pergame naît de la rencontre d'un site et d'un projet politique. L'originalité du site saisit le voyageur qui débouche dans la plaine du Caïque, qu'il arrive de la mer et du port de l'antique Pitanè ou qu'il descende du massif montagneux qui se dresse à l'est dans la haute vallée du fleuve. Devant lui, un piton de 335 mètres d'altitude, dont la terrasse supérieure domine la plaine de 237 mètres, se détache du Madaras Dagh, l'ancien Pindasos qui barre l'horizon au nord. Ses pentes abruptes sont découpées par les deux affluents du Caïque, le Sélènos à l'ouest, le Kétios à l'est. La valeur défensive du site avait attiré les occupants dès l'époque préhistorique ; tout au long du ive siècle, il fut l'objet des convoitises de roitelets locaux qui cherchaient à se constituer des domaines en marge des régions soumises au roi des Perses.
Position privilégiée pour un chef militaire comme Lysimaque, roi de Thrace, héritier d'une partie de l'ancien royaume d'Antigone taillé dans la succession d'Alexandre, et non dépourvu d'ambitions politiques. Il le choisit pour y installer une garnison chargée de protéger son trésor de guerre sous la garde d'un de ses officiers, Philétairos, qui cachait sous des traits rudes, bien connus grâce aux effigies monétaires, une certaine habileté politique. Profitant des luttes intérieures du royaume, celui-ci passa au service de Séleukos, roi de Syrie. Favorisé par le destin qui frappa successivement Lysimaque, tué en 282 à la bataille de Couropédion, et Séleukos, assassiné l'année suivante, Philétairos se déclara indépendant et prince d'un vaste territoire découpé dans la vallée du Caïque. Les inscriptions révèlent l'habileté qu'il sut déployer pour s'attirer la reconnaissance et l'appui de ses voisins ; lorsqu'il meurt, en 263, il laisse à son[...]
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Écrit par
- Pierre GROS : chaire de civilisation et archéologie romaines à l'Institut universitaire de France, université de Provence-Aix-Marseille-I
- Roland MARTIN : membre de l'Institut
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