PERGAME
L'urbanisme monumental
La composition architecturale ne sera jamais aussi étroitement associée à l'urbanisme que dans les réalisations pergaméniennes. Urbanisme conçu pour le prestige du souverain, mais qui ne néglige pas les besoins de la vie publique et privée des citoyens. Marchés, agoras, gymnases se succèdent, en effet, au long de la voie qui vient déboucher sur l'acropole, et le système d'alimentation et de distribution d'eau sous pression est un des mieux organisés que nous connaissions dans les villes antiques. Le grand sanctuaire d'Asclépios constituait alors un des lieux de cure les plus célèbres. Enfin, les Attalides avaient créé une bibliothèque qui rivalisait avec celle d'Alexandrie. La fonction défensive de la ville se traduisait par ses remparts accrochés aux pentes abruptes du site, agrandis et remaniés par chacun des princes de la dynastie jusqu'à l'état définitif réalisé par Eumène II. Venant de la zone basse, dont l'extension appartient surtout à l'époque romaine, on pénétrait dans la ville, au sud, par la seule porte importante, porte monumentale, avec tours, cour intérieure et fontaine. Dessinant un grand S suivant les courbes de niveau, la voie longe d'abord un marché fermé, enveloppé de portiques et de boutiques, puis elle contourne les gymnases pour revenir, par une ample courbe, en direction du sanctuaire de Déméter et accéder enfin à l'acropole. Chacune de ces masses monumentales a son caractère. Les gymnases d'abord, disposés en trois terrasses cotées 62, 74 et 88 mètres, chacune s'élargissant progressivement (10, 20 et 45 mètres), ce qui a permis un aménagement spécifique adapté au rythme du terrain. La terrasse supérieure, soutenue par les murs d'une grande piste couverte, longue de 212 mètres, est bordée de portiques sur trois côtés ; le plus grand, au nord, est constitué par la succession des salles nécessaires à la vie sportive, artistique et intellectuelle du gymnase : salles de lecture, salles d'exercice, bains.
L' acropole reprend, avec encore plus de souplesse, le jeu des terrasses, indépendantes, mais cependant associées en un mouvement d'ensemble qui s'adapte au plateau légèrement basculé vers le sud-ouest et articulées en éventail, autour de la cavea du théâtre, elle-même sous-tendue par un long portique de 246 mètres. La rue maîtresse pénètre dans l'agora, qu'elle partage en deux, en franchissant un portique monumental à étages, puis elle contourne par l'est le majestueux autel situé à 15 mètres au-dessus de l'agora, pour atteindre le propylon du grand sanctuaire d'Athéna Niképhoros, protectrice privilégiée de la ville et de la dynastie. Ce sanctuaire domine à l'ouest le théâtre et s'ouvre vers la basse vallée du Caïque ; des portiques enveloppent la place sur trois côtés ; au nord, avec leur double étage et leur double galerie, ils donnent accès à la bibliothèque, dont les salles ouvrent sur la galerie du niveau supérieur. L'épithète de la divinité, les grands monuments sculptés et le décor des balustrades des portiques évoquent les victoires d'Attale Ier sur les Galates. Une dernière terrasse, consacrée au Trajaneum, a été aménagée à l'époque romaine pour le culte impérial. La rue qui continue son parcours, après le propylon d'Athéna, sépare les domaines des dieux des demeures princières ; les « palais » s'alignent en effet sur la bordure orientale de la terrasse, la plus élevée et la mieux défendue ; ils sont contigus, vers le nord, au réduit défensif le mieux isolé, qui abrite les arsenaux et les réserves militaires.
Sans qu'il y eût à l'origine, semble-t-il, de plan d'ensemble ni de maquette, se trouvait ainsi réalisée, par la seule volonté du roi, une œuvre architecturale d'une grande ampleur[...]
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Écrit par
- Pierre GROS : chaire de civilisation et archéologie romaines à l'Institut universitaire de France, université de Provence-Aix-Marseille-I
- Roland MARTIN : membre de l'Institut
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