PÉRIODISATION, histoire
La périodisation segmente le cours de l'histoire pour rendre les faits pensables. Ce découpage est la base de toute interprétation historique.
Périodisation à l'ancienne
Périodiser rend pensable le chaos des chroniques, ordonne le fil du temps ; l'opération trahit souvent la quête obstinée d'un sens de l'histoire. De Hésiode à Marx, en passant par saint Augustin ou Hegel, les grandes visions du monde porteuses d'un sens global reposent sur une périodisation du temps de l'histoire. Ainsi, le christianisme ne se dissocie pas d'un récit chronologique ordonné en séquences : la création du monde, le monde après la perte du paradis, le monde après la venue du Christ, la fin du monde et le Jugement dernier comme fin de l'histoire. De même, Karl Marx périodise l'histoire humaine selon les modes de production : mode de production antique fondé sur l'esclavage, féodal fondé sur le servage, capitaliste à l'âge du salariat. Qu'ils soient cycliques, comme la périodisation grecque (de l'Âge d'or à l'Âge du fer) et la périodisation chinoise classique (de l'avènement d'une dynastie à sa chute pour rupture du « mandat du Ciel »), ou vectoriels, tendus d'une fondation vers une fin, comme le christianisme avec le Jugement dernier ou le marxisme avec la société sans classes, ces systèmes généraux de pensée du temps historique disent le passé, le présent et l'avenir de l'humanité. Même lorsqu'une périodisation ne prend en compte que les moments d'accomplissement du génie humain, par exemple le siècle de Périclès ou celui de Louis XIV, elle donne un sens à l'histoire : le progrès de la civilisation.
L'invention de périodes constitue par ailleurs un moyen politique de légitimer les changements historiques et de se justifier dans l'histoire, par exemple les modèles médiévaux de la translatio imperii ou de la translatio studii pour imposer l'idée d'une continuité entre Antiquité et Moyen Âge. En un sens, il en va de même avec la périodisation dans laquelle l'Occident se projette depuis sa construction progressive à la fin du xive siècle. À partir de la conception des « âges moyens » par Flavio Biondo (1392-1463), la notion de Moyen Âge va se sédimenter au fil de la Renaissance. La tripartition Antiquité-Moyen Âge-période moderne trouve sa formulation scolaire avec l'historien allemand Christoph Keller (Cellarius) au xviie siècle. Quant à la période postérieure à la Révolution, il faut attendre, en France, Victor Duruy (1867) pour qu'elle soit enseignée au titre de l'histoire contemporaine, qui commence donc en 1789. Avec la professionnalisation de l'histoire, la division des temps engendre une sociologie, celle du métier d'historien, reposant sur des spécialisations définies par périodes qui déterminent l'accès aux postes de recherche ou d'enseignement.
Au-delà de ces périodisations héritées, les historiens produisent les leurs au cours de leurs recherches. Description qui se fait interprétation, la périodisation a souvent été au cœur des débats et des combats de la discipline ; le Periodisierung est un genre historiographique en soi pour la science historique allemande du xixe siècle. Dans un premier temps, les périodisations s'inspirent de la notion d'esprit de l'époque (Zeitgeist) : « La période de quinze ans, qui va de la chute de Napoléon à la révolution de 1830, forme une période historique répondant à un thème dominant qu'elle développe et porte à sa conclusion » (Benedetto Croce, Histoire de l'Europe au XIXe siècle, 1932).
Maillon d'une chaîne, puis incarnation de l'esprit du temps, la période à l'ancienne se définit enfin comme le tout (Zusammenhang) qui rend intelligible les parties interdépendantes[...]
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Écrit par
- Olivier LÉVY-DUMOULIN : professeur des Universités en histoire contemporaine, Institut d'études politiques, université de Lille-II
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