PÉROU, DIEUX, PEUPLES ET TRADITIONS (exposition)
Dans l'imaginaire européen, le Pérou, berceau des Incas ruisselants d'or, servis par des Vierges du Soleil, occupe une place privilégiée. Or l'exposition qui s'est tenue à l'abbaye de Daoulas (Finistère) du 12 mai au 31 octobre 1999 a montré un Pérou où se sont succédé de nombreuses civilisations antérieures aux Incas, toutes fascinantes.
La première partie de l'exposition présentait les résultats de quatre fouilles récentes sur la côte nord du Pérou, longue bande désertique bordée par le Pacifique, parsemée de riches oasis aux cultures irriguées. Le seul matériau de construction était la brique de terre crue moulée (adobe). Celle-ci servait à édifier des ensembles religieux impressionnants, les huacas, qui ressemblent avant leur fouille à de grandes collines naturelles marquées par le ruissellement de pluies rares, mais généralement torrentielles. À Moche, site éponyme de la civilisation Mochica (100 av. J.-C.-700 apr. J.-C.), les fouilles de l'un des deux grands temples de la ville, la Huaca de la Luna, objet d'intenses pillages durant l'époque coloniale, ont mis au jour, protégées par une dernière phase de construction, d'extraordinaires peintures murales polychromes. Elles représentent la tête menaçante de l'Égorgeur, divinité avide de sacrifices humains, dont on a retrouvé des traces dans l'un des patios du temple, où s'amoncelaient les corps de suppliciés. Ils avaient été jetés depuis le sommet de la montagne voisine, au cours d'une cérémonie destinée, semble-t-il, à atténuer les dérèglements climatiques d'une année où El Niño, ce courant océanique chaud bénéfique, mais parfois aussi dangereux, avait menacé les récoltes. Une reproduction grandeur nature de ces peintures murales, réalisée par des spécialistes péruviens, ouvrait l'exposition, peintures qui s'inspirent de l'art textile dans l'agencement de leurs motifs. Le musée de Trujillo a accepté de prêter quelques pièces emblématiques provenant de cette fouille : un canard-guerrier au bec orange en céramique noire incrustée de nacre, ainsi qu'un ensemble de petits personnages en bois de balsa également incrustés de nacre représentant différentes scènes du cérémonial funéraire d'un dirigeant chimú, population qui occupa la région après les Mochica, de 1100 à 1450 après J.-C.
De l'ensemble funéraire de Sipán était exposée la reconstitution à l'identique de l'un des seigneurs mochica, devenu aujourd'hui le symbole de la grandeur passée du Pérou, debout, paré d'une tunique en bronze doré et d'extraordinaires bijoux conservés au musée de Lambayeque. Venait ensuite la présentation du site de San José de Moro, occupé depuis la période Mochica jusqu'à la culture Wari (600-1100 apr. J.-C.), avec la tombe d'une prêtresse mochica dont l'effigie, sept éléments en métal découpé (un alliage de cuivre et d'argent), recouvrait le cercueil. D'élégants vases en céramique – en particulier des bouteilles à anse-goulot en étrier – accompagnaient cette présentation. Ils sont ornés de scènes funéraires de la prêtresse ou de rituels divers, selon une tradition propre aux Mochica. Ces décors apportent des informations d'autant plus précieuses sur les mythes et les rites que ces populations n'avaient pas d'écriture.
Le visiteur arrivait enfin à l'évocation par des photographies et des peintures de l'impressionnant site de Túcume, dernière capitale de la culture Lambayeque (fin du xe siècle-1375 apr. J.-C.), occupé également par les Chimú (1375-1470) et finalement par les Incas (1470-1532). Le temple principal, la Huaca Larga, en terre crue, est immense : 700 mètres de longueur, 280 mètres de largeur, et 30 mètres de hauteur ; il comporte, comme les autres temples de la côte, des[...]
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Écrit par
- Marie-France FAUVET : maître de conférences, chargée des collections américaines du musée de l'Homme, Paris
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