PERSE Histoire
Perse islamique
La domination arabe et la « révolution ‘abbāside »
Moins bien structuré que son rival byzantin, l'Empire sassanide fut détruit par l'expansion arabe dès les premières décennies du califat ; à l'exception des régions caspiennes et centre-asiatiques, le pays fut contrôlé par les Arabes dans le courant du viie siècle. Malgré les exactions commises par certains Arabes et la résistance de quelques aristocrates et des milieux zoroastriens, l'islamisation fut rapide, surtout dans les provinces occidentales et centrales de l'ex-empire perse.
En dépit de l'égalitarisme théorique de l' islam, les Omeyyades imposèrent à Damas la domination d'une aristocratie arabe héréditaire, alors qu'au Khorāsān des seigneurs ruraux (dehqān) étaient devenus agents fiscaux des Arabes. Mécontents, des paysans iraniens convertis allèrent s'entasser dans les agglomérations du bas Irak où ils furent sollicités par divers mouvements d'opposition aux Omeyyades, regroupant des Arabes défavorisés et des mawāli (convertis persans ou autres, « clients » d'un clan arabe). Le plus important de ces mouvements eut pour centre la ville garnison de Koufa, siège du califat sous ‘Alī (656-661), à l'époque où étaient nés le khāridjisme et le shī‘isme. Après l'élimination et la dispersion des khāridjites, la lutte pour le califat opposa la branche hachémite (à laquelle appartenait ‘Alī) à la branche omeyyade. Quant au mouvement shī‘ite, après le meurtre de Ḥusayn, fils d'‘Alī, en 680, il entendit triompher en tant que secte islamique et attira des mawālī et assimilés. À l'occasion de la révolte de Mokhtār, vengeur de Ḥusayn, à laquelle participèrent de nombreux mawālī iraniens, se manifesta l'idée messianique du Mahdī, qui donna naissance à une doctrine politico-religieuse (qu'on a appelée le « stratagème du guide absent ») d'importance considérable en islam iranien. En faisant usage de « motifs » shī‘ites et en s'appuyant, comme Mokhtār, sur les mawālī, le mawlā persan (ou kurde ?) Abū Muslim réussit à fomenter une révolte qui, partie du Khorāsān, amena l'avènement des ‘Abbāsides (hachémites non alides) en 750.
Le califat ‘abbāside et l'émancipation
Avec le transfert du siège du califat à Bagdad, le Nord-Est iranien se rallia bon gré mal gré à l'islam ; la vieille noblesse joua un rôle prépondérant à Bagdad où furent adoptés certains usages sassanides ou prétendus tels. Malgré l'élimination de leurs partisans extrémistes, dont Abū Muslim, les ‘Abbāsides ne purent réduire l'agitation qui se poursuivit pendant plus d'un siècle en Iran sous forme d'« hérésies » préislamiques ou musulmanes, certaines se réclamant d'Abū Muslim. Bien que ces mouvements aient parfois été anti-arabes et anti-musulmans, les Iraniens participèrent davantage à l'élaboration de l'islam qu'à sa destruction ; même dans le mouvement shu‘ūbiya qui défendait les droits des non-Arabes, les discussions se faisaient dans la langue de l'élite arabo-persane, l'arabe. En effet, alors que le pehlevi demeurait la langue des « conservateurs », l'arabe, qui avait remplacé l'araméen dans l'administration et l'avestique dans le rituel, devenait la langue écrite de l'élite iranienne « moderniste ». La fusion des deux cultures avait été scellée très tôt par une fusion ethnique et linguistique (formation du néo-persan vernaculaire). La pensée iranienne apportait à la littérature d'expression arabe une très riche thématique que l'Iran avait d'ailleurs empruntée en partie à l'Inde. En art, et notamment en architecture, l'influence sassanide fut considérable. La culture arabo-persane née de cette fusion se diffusa largement dans le monde islamique.[...]
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Écrit par
- Jean CALMARD : chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)
- Philippe GIGNOUX : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
Médias