PERSE Langues et littératures
Le persan
La langue
Sur une carte de l'Iran, on remarque immédiatement que le désert central sépare deux grandes masses de reliefs : en gros, le Nord-Est et le Sud-Ouest. Ethnies et langues iraniennes, moulées sur ces masses, témoignent aussi de cette division. On sait que le vieux perse fut le dialecte des Perses et de leurs souverains installés dans le Fârs (ou Pârs, ou Perse) ; la langue de l'Avesta, au contraire, fut d'abord un dialecte iranien du Nord-Est. La même opposition se retrouve aux premiers siècles de l'ère chrétienne : le moyen perse fut une forme très évoluée du vieux perse et supplanta la langue parthe non sans lui faire des emprunts ; de l'autre côté, le groupe des langues orientales comprenait le sogdien, la langue internationale de l'Asie centrale, et bien d'autres parlers qu'on commence à mieux connaître. Le moyen perse étant la langue officielle de l'empire sassanide et l'expression de la grande littérature de cette époque, il s'étendit à tout le pays, le Nord-Est compris. Quand les armées arabes conquirent l'Iran, c'est tout naturellement le Sud-Ouest qui subit le plus fortement l'influence de leur langue ; au nord-est, au contraire, le moyen perse évolua plus librement, influencé par l'arabe et par les parlers locaux ; c'est là que put naître la littérature d'expression persane, sous la protection des premiers princes d'Iran, plus ou moins indépendants du pouvoir central de Bagdad. De là, ce persan de cour (fârsi-ye dari) s'étendit vers l'ouest, chargé d'emprunts. Il devint ainsi la langue commune de l'Iran, surtout des cours et des villes ; il laissa cependant subsister en nombreux îlots les dialectes iraniens, tant occidentaux qu'orientaux, dont un certain nombre continuent leur vie propre ; lui-même se diversifia dans ses emplois à travers les provinces. Grâce aux documents qui subsistent des parlers iraniens de haute époque, grâce aussi à la dialectologie, il sera possible de mieux éclairer le passage historique du moyen perse au persan. Celui-ci apparaît soudain avec les premiers témoins de la littérature, au ixe siècle pour la poésie, au xe siècle pour la prose.
Le persan a-t-il évolué ?
Ce qui vient d'être dit laisse comprendre que les langues iraniennes ont entre elles bien des différences génétiques et morphologiques. C'est l'impression inverse que livre au premier abord le persan de la littérature, ancien et moderne : si l'on songe à l'évolution des langues européennes entre le ixe et le xxe siècle, le persan littéraire se montrera, à l'intérieur de cette période, d'une étonnante homogénéité. L'impression doit être nuancée. Déjà la comparaison entre les systèmes phonologiques vieux-perse, moyen-perse et persan, si elle donne l'apparence d'une constance relative entre les systèmes, révèle en fait une profonde transformation dans les correspondances entre phonèmes. Le persan sort de la plume des premiers écrivains sous une forme relativement unifiée ; on y remarque des « archaïsmes », témoins des parlers vivants d'alors ; il s'agit des éléments qu'élimina la tradition littéraire commune. Cependant, une évolution réelle peut être notée, qui a été voilée par l'usage des caractères arabes avec lesquels s'écrit le persan, langue indo-européenne.
La parution, en 1963, de l'étude magistrale de G. Lazard, La Langue des plus anciens monuments de la prose persane, a fait date : en introduisant la perspective historique dans l'étude grammaticale du persan, l'auteur ouvrait la voie à la description des stades de la langue. À l'autre bout du temps, le persan moderne représente une forme nettement évoluée par rapport à ce qu'il est convenu d'appeler le persan classique ; les descriptions de ses emplois variés[...]
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Écrit par
- Christophe BALAY : docteur ès lettres diplômé de langues orientales
- Charles-Henri de FOUCHÉCOUR : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
- Jean de MENASCE : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
- Mohammad Djafar MOÏNFAR : docteur ès lettres, attaché de recherche au C.N.R.S., chargé d'enseignement au centre de linguistique quantitative de l'université de Paris-VI
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Médias