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PERSE Vue d'ensemble

Idée de l'Iran et études iraniennes ont subi très longtemps un morcellement désastreux. On connaît le mot d'Oswald Spengler : « L'Iran a été livré aux philologues. » Le jugement est-il juste ? La responsabilité n'est-elle pas partagée par d'autres ? Toujours est-il que la représentation la plus courante, et dont le règne n'est peut-être même pas encore tout à fait clos, morcelle la réalité iranienne en deux grands secteurs : avant l'islam (jusqu'au viie siècle) et depuis l'islam. Par la philologie de l'Avesta, le livre saint des zoroastriens, le premier secteur est limitrophe des études védiques relevant des indianistes. Quant au second secteur, les orientalistes ont eu trop longtemps tendance à le considérer comme une simple province du monde islamique, quand ce n'était pas du monde arabe.

Les Iraniens ont toujours donné à leur pays le nom d'Iran et se sont eux-mêmes désignés comme Iraniens. Qu'une tradition séculaire ait consacré en France l'usage des mots « Perse » et « anciens Perses » (« Persans » pour la période islamique), parce que la Perside (le Fārs ou Pārs est la province du Sud-Ouest par laquelle l'abordèrent les Grecs, cela ne change rien au fait déploré ici. Longtemps les Iraniens n'ont pas même soupçonné cette mutilation. Qu'elle leur soit aujourd'hui insupportable, cela se comprend d'emblée. C'est qu'en effet, de tous les pays devenus « terre d'Islam », l'Iran apparaît comme le seul qui ait conservé présente à sa conscience l'histoire de son passé, et soit à même de le valoriser de plein droit.

La langue persane (langue indo-européenne), directement issue du moyen iranien (le pehlevi), a traversé les siècles. Le Shāh-Nāmeh (Livre des rois) de Ferdawsī (xe siècle) nous apprend qu'antérieurement à l'islam l'Iran n'était pas plongé dans la jāhilīya (l'état d'ignorance, d'obscurantisme), mais que ce passé est rempli par la geste des héros dont parle l'Avesta ; dans certaines parties de celui-ci (les Gāthas), on peut même encore entendre la voix du prophète de l'Iran, Zarathoustra (Zartosht), c'est-à-dire Zoroastre. Calqué sur le terme persan Irān-shnāsī, le terme « iranologie », créé dans les années cinquante, offre l'avantage de regrouper, comme formant un tout, aussi bien le concept d'Iran que les études iraniennes. Il suggère au mieux l'idée de ces « continuités iraniennes » dont l'affirmation fut le propos essentiel de la célébration du vingt-cinquième centenaire de la fondation de l'Empire perse, et qui furent le thème du Congrès international d'iranologie tenu à cette occasion (Shīrāz, octobre, 1971).

La continuité iranienne, formée par un ensemble de continuités diverses, n'est pas à déduire de faits antérieurs, dont la définition et le sens seraient livrés à l'exégèse des interprètes. Elle a son fondement dans la conscience iranienne même, et doit être cherchée et rencontrée dans les faits de cette conscience. Aussi est-ce essentiellement à l'historien des religions, ou mieux dit au phénoménologue de la conscience religieuse, ainsi qu'au philosophe, qu'incombe la tâche de montrer et d'analyser ces continuités. Et c'est peut-être l'inattention des philosophes, ou plutôt le manque de philosophes iranologues, qui a laissé s'accomplir le morcellement déploré plus haut.

L'Iran a été le grand carrefour, voire le foyer, des grandes religions mondiales. La religion des mages (que ce soit sous la forme du mazdéisme, du zoroastrisme ou du zervanisme) s'est propagée jusqu'aux rivages d'Asie Mineure. Le mithraïsme, quelle que soit la répartition de ses monuments, ne peut être séparé de l'Iran. Le manichéisme, sous sa forme d'expression[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)

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