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PERSÉCUTION

Persécuter, ce fut d'abord suivre ou poursuivre en justice (persequi), jusqu'au bout. Les persécutions du pouvoir romain contre les chrétiens et celles de l'Inquisition contre les hérétiques furent des actions judiciaires régulièrement menées. L'acharnement que peut mettre contre un homme l'appareil judiciaire – ceux qui le servent et ceux qui le déclenchent – a servi de modèle à une conduite humaine qui appartient à l'agressivité et au sadisme et qui a acquis par rapport à eux une certaine autonomie. La persécution garde de son origine judiciaire le procédé licite (elle évite le délit), la justification (elle a bonne conscience), l'absence de colère (elle est froide) ; elle diffère encore des autres actes agresso-sadiques (meurtre, coups et blessures, etc.) par la préméditation et la persévération. Elle se développe lentement, progressivement, tâche d'obtenir l'humiliation, la fuite ou le suicide de sa victime, esquivant ainsi la pénible nécessité de la supprimer.

Comprendre comment et pourquoi un homme est amené à en persécuter un autre, et un groupe à persécuter un groupe minoritaire, c'est poser dans toute son ampleur le problème du mal ou de l'agressivité, le choix du vocabulaire dépendant d'une option normative devant les diverses formes de la violence.

D'autre part, s'il y a des hommes qui en persécutent d'autres, il y aura des persécutés qui intéresseront la victimologie, et aussi des personnes qui se croiront persécutées, même si elles ne le sont pas, et qui intéresseront la psychiatrie, puisque leur fausseté de jugement relève du délire. Et, comme ce sont souvent les mêmes qui persécutent et se croient persécutés, on aura à s'interroger sur cette dialectique de réciprocité.

Le persécuteur

Les motivations de la persécution

La persécution est à l'agressivité furieuse (à l'hybris) ce que la combustion lente est à la déflagration ; de même que le chimiste a découvert la combustion dans la fermentation, le psychologue a décelé la violence et la colère dans les conduites de persécution, mais sous un masque ; elles y sont contenues et répétées. C'est la différence entre la conduite motivée par l'émotion-choc et celle qui l'est par un sentiment ou une passion. Le persécuteur est un passionné, non pas forcément au sens trop précis de la caractérologie franco-hollandaise (émotif, actif, secondaire), mais plutôt selon celui qu'adoptaient le livre de M. Dide et déjà Descartes aux articles 140, 152, 167-9 et 178-81 de son Traité des passions, puis J.-B. Descuret, qui définit très bien la haine comme une colère chronique. Or on sait depuis les stoïciens que les passions (τ́α π́αθη) sont des maladies et qu'il n'y a pas loin du « pathétique » au « pathologique ». Aujourd'hui, les psychiatres ont pris la relève et J. Borel (Les Psychoses passionnelles) centre son étude autour des délires de revendication (quérulants et processifs), de la jalousie, de l'exaltation dystonique (cyclothymie) et de l'érotomanie ; en effet, quérulants, processifs, jaloux et érotomanes représentent la majorité des persécuteurs.

L'analyse de l' agressivité est de mode chez les éthologistes et les psychologues (J. Dollard, K. Lorenz et I. Eibl-Eibesfeldt, A. Storr, G. Mendel, F. Antonini, A. Mitscherlich, H. Laborit, L. Millet, E. Wolff, J. van Rillaer, E. Fromm, D. van Canneghem), avec une nette tendance à l'expliquer pour l'excuser ; elle serait nécessaire et fort naturellement motivée par la frustration. Mais on fait la part trop belle à l'étymologie de l'agression (ad-gression) et l'on confond trop souvent celle-ci avec la marche en avant, ou même avec toute espèce d'action ; car on devra alors se rappeler que la passion est passive, non pas dans[...]

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