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PERSONNE

La notion de personne a longtemps été du seul ressort de la psychologie et de la philosophie : une longue tradition occidentale s'est interrogée sur la persona, devenue progressivement la catégorie permettant de subsumer l'âme et le corps pensés comme indissociables, doués de raison et perfectibles. Par la suite, les études psychologiques de la personne se sont davantage centrées sur les problèmes du comportement, sur les interactions entre les différentes personnalités, sur les processus de l'éducation et sur l'univers de valeurs qui en formait le contexte. Ce n'est qu'au début du xxe siècle que s'est amorcée une mise en perspective générale de la catégorie de personne par la prise en compte des différences culturelles. Lucien Lévy-Bruhl tout d'abord, puis Marcel Mauss et Maurice Leenhardt ont été, par leurs recherches ethnographiques, les premiers à souligner l'étendue des dissemblances entre les représentations occidentales et celles des sociétés traditionnelles – bien que Mauss fût, en 1938, encore tenté de repérer entre elles une ligne évolutive. Loin d'être naturelle et univoque, l'idée judéo-chrétienne et humaniste de la personne s'est donc progressivement révélée n'être qu'une forme particulière parmi d'autres de la représentation de l'être humain, tant pour les éléments constitutifs de celui-ci que pour son fonctionnement et son insertion dans l'organisation sociale d'un groupe donné. L'approche anthropologique montrait ainsi que la notion de la personne est, au même titre que d'autres, un fait local de représentation, qu'elle est par là solidaire de l'état de structures sociales particulières, et qu'elle a sa spécificité par rapport à la perspective psychologique, qui reste attachée à l'élucidation de la « personnalité » comme attribut universel de l'être humain.

De l'étymologie à la métaphysique

Masques de théâtre, mosaïque de la Domus sollertiana - crédits : G. Mermet/ AKG-images

Masques de théâtre, mosaïque de la Domus sollertiana

Selon l'étymologie traditionnelle, « personne » vient du latin persona, terme lui-même dérivé du verbe personare, qui veut dire « résonner », « retentir », et désigne le masque de théâtre, le masque équipé d'un dispositif spécial pour servir de porte-voix.

Cette étymologie est généralement attribuée à Boèce (vie s.). En réalité, elle est déjà attestée chez Aulu-Gelle, iie siècle. Mais elle est fausse. Pour des raisons d'accentuation (la deuxième syllabe de persona est longue, la deuxième syllabe de personare est brève), il est impossible que persona dérive de personare. Au reste, on a découvert un mot étrusque, phersu, qui pourrait être l'amorce d'un persuna, changé bientôt en persona, et qui semble signifier masque. Cette explication, même probable, reste cependant discutée.

Ce qui est sûr, c'est qu'une fois formé, le terme persona a été perçu plus ou moins comme un calembour du verbe personare, bien que leurs origines diffèrent, bien que la phonétique elle-même, en raison de la divergence d'accents, n'ait pu favoriser de tous points leur rapprochement. Persona signifiait « masque », sans plus ; mais en le prononçant, un Latin entendait (à peu près) un groupe de syllabes qui signifiait « sonorité », « résonance ». Comme, de surcroît, le masque était, du moins à certaines époques, un résonateur, un amplificateur, persona apparaissait comme un terme imagé, descriptif, et même expressif.

Persona, qui était le masque de scène, est devenu peu à peu le porteur de masque, l'acteur, puis le personnage joué par l'acteur, le rôle. Du théâtre, des choses du théâtre, il est passé aux choses de la vie, c'est-à-dire au rôle social joué par le personnage social. Mais ce personnage et son rôle pouvaient être considérés à deux points de vue : soit selon la charge exercée, la dignité, le rang, la richesse, les responsabilités[...]

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Masques de théâtre, mosaïque de la Domus sollertiana - crédits : G. Mermet/ AKG-images

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