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PERSONNES et APRÈS, C. Boltanski (expositions)

Afin de donner une plus grande visibilité à la création contemporaine, le ministère de la Culture a intitulé Monumenta une manifestation qui accueille ponctuellement dans la nef du Grand Palais les œuvres d'un artiste majeur de notre temps. En 2007, l'Allemand Anselm Kiefer a présenté, non sans grandiloquence, ses débordements baroques, qu'il s'agisse de sculptures ou de peintures. L'année suivante, ce fut le tour du sculpteur américain Richard Serra, qui installait ses immenses lames d'acier, se jouant majestueusement des notions de tension et d'équilibre qui sont au cœur de son propos.

Avant l'invitation lancée à l'artiste anglais Anish Kapoor en 2011, c'est au tour de Christian Boltanski de se mesurer aux possibilités complexes d'un lieu prestigieux, tout en souhaitant lui adjoindre pour une autre exposition un espace moins spectaculaire, en l'occurrence le MAC/Val à Ivry-sur-Seine. Avec Personnes, du 13 janvier au 21 février 2010 au Grand Palais et Après, du 15 janvier au 28 mars 2010 dans le Val-de-Marne, l'artiste a instauré deux scénographies aux frontières entre les arts plastiques et le théâtre, qui semblent faire échos aux cercles de L'Enfer de Dante. L'une comme l'autre, grâce à la mise en œuvre de moyens plastiques et sonores d'une rare intensité émotionnelle, étaient dominées par les thèmes de la disparition et de l'absence.

Pour élaborer la structure qui est venue occuper l'immense espace du Grand Palais, Boltanski a joué sur un certain nombre de pratiques qu'il a déjà utilisées ailleurs et autrement, et qu'il a réinterprétées pour la circonstance. Les boîtes de biscuit en métal rouillées, à la base de la série des Monuments (1985), évoquaient un columbarium mais pouvaient se voir aussi comme un grand rideau de scène propulsant le visiteur au cœur de l'œuvre. « Ce qui m'intéresse, dit Boltanski, c'est que le spectateur ne soit plus placé devant une œuvre mais qu'il pénètre à l'intérieur. » Les yeux au sol, le visiteur progressait le long d'une division en carré, marquée par des poutres d'acier, des haut-parleurs à peine perceptibles et des tubes de néon qui ordonnaient rigoureusement la nef sur toute la longueur. Des vêtements usagés y étaient alignés pas tout à fait au hasard, cependant, quant à la répartition des couleurs. « Les vêtements, dit Boltanski, sont apparus dans mon œuvre comme une chose évidente, j'ai établi une relation entre vêtements, photographies et corps morts... Les vêtements sont une façon pour moi de représenter beaucoup de gens. » Installés en vrac sur des étagères comme dans les collections du Musée d'art moderne de la Ville de Paris, les vêtements furent aussi suspendus tel un immense vestiaire et intitulés Canada, lors d'une exposition à Toronto, en 1988. Un titre à double sens puisqu'il était aussi le nom que l'on donnait dans les camps de la mort au lieu où l'on stockait tout ce qui avait été volé aux déportés. Depuis lors, si la référence à la Shoah est évidente dans certaines des œuvres de Boltanski, les vêtements sont ici l'évocation d'un corps, de tous les corps et de leur absence. Les mêmes vêtements usagés, on les retrouvait en masse, avec une dominante de rouge, saisis entre d'énormes mâchoires manipulées par une grue qui prenait, élevait et laissait retomber ces dépouilles sur un immense tas. Pour l'artiste, la pince mécanique serait la métaphore d'une « puissance qui prend et rejette ces corps sans raison apparente ». Et il ajoute : « la main de Dieu peut-être ou celle du hasard de la vie et du tragique de l'existence qui se termine toujours par la mort ». Au bruit métallique de la grue se mêle celui des battements de cœur, bien vivants ceux-là, que l'artiste enregistre depuis des années. Aux données visuelles et sonores, Christian Boltanski[...]

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Média

Christian Boltanski - crédits : Susanne Schleyer/ AKG-images

Christian Boltanski