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NJEGOŠ PETAR II PETROVIĆ (1813-1851)

Les lauriers de l'héroïsme

L'œuvre Les Lauriers de la montagne, écrite en 1846 à Cetinje et publiée l'année suivante à Vienne, a eu plus de cent éditions en sa langue et fut traduite en presque toutes les langues européennes. C'est le chef-d'œuvre de Njegoš et de la littérature yougoslave. Son sujet se rapporte à un événement de l'histoire du Monténégro de la fin du xviie siècle et les noms des personnages se retrouvent en grande partie dans le chant populaire, dans la légende ou dans les documents écrits. Pour ce petit pays, il s'agissait à cette époque d'être ou de ne pas être. Son existence dépendait uniquement du sacrifice de ses fils qui servaient l'honneur et le nom, et leur courage apprenait au poète à parler à l'immortalité. Le Monténégro et sa liberté, et l'œuvre de Njegoš aussi, ce sont les lauriers de leur héroïsme. Les traits profonds de l'esprit du peuple, l'amour patriotique et la fidélité du langage à la beauté et à la vérité classent Les Lauriers de la montagne parmi les meilleures épopées slaves. Écrite en vers décasyllabiques, cette œuvre a la forme d'un drame auquel prennent part un nombre considérable de personnages typiques bien individualisés. Mais sur scène, elle perd de son ampleur et les mots, leur pouvoir de fascination. Les Lauriers de la montagne, composés sur le modèle du chant populaire du récit héroïque, comparable aux chants de L'Iliade, sont écrits pour être lus et surtout pour être écoutés. C'est l'action elle-même, narrée par le récitant, qui décante la tragédie et lui confère sa beauté émouvante. Œuvre pareille à un oratorio, à une polyphonie d'un réalisme shakespearien et d'une vérité dostoïevskienne, où la voix de l'auteur invisible n'est que la génératrice d'un monde qui s'immortalise à sa naissance. Chez Njegoš, la métaphore est le point de départ de la relation, par elle se fait une transmutation du langage oral en langue littéraire, par elle s'établit le rapport entre le terroir et l'homme qui le défend. Les mots incarnent l'invisible pour faire naître un monde qui sans cela serait resté à jamais inconnu. Le discours de chaque personnage a le ton de l'aède et il ressemble au chant héroïque du barde. Njegoš, vivant au carrefour de deux mondes et de deux époques, marque avec Les Lauriers de la montagne un moment irrenouvelable de la poésie où la création personnelle est intimement liée au génie du chant populaire. Par son attachement à la terre natale et à l'esprit du peuple, Njegoš est le Pouchkine des slaves du Sud. Il finit son œuvre littéraire par la pièce Lažni car Šćepan Mali, où les motifs divers, historiques et intimes, s'entrecroisent, et il reste la gloire des lettres de son pays.

— Milivoje PEJOVIC

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  • MONTÉNÉGRO

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