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ESTERHÁZY PÉTER (1950-2016)

Dans la superbe floraison de la littérature hongroise contemporaine, l'œuvre de Péter Esterházy se caractérise par un mélange d'humour et d'érudition, lié à la conscience aiguë d'une tradition culturelle – celle de la Mitteleuropa – dont l'âge d'or aurait été l'Europe baroque. Née alors que le régime communiste entrait dans son crépuscule, elle renoue ironiquement avec l'imaginaire du roman familial. Mais c'est pour mieux en mettre en lumière ses illusions et ses faux-semblants.

Le texte et son œuvre

Péter Esterházy - crédits : Ulf Andersen/ Aurimages

Péter Esterházy

Né le 14 avril 1950 à Budapest, Péter Esterházy, descendant de l'une des plus anciennes et plus puissantes familles d'Europe, a connu la relégation « à la campagne » et les vexations réservées par le régime communiste aux aristocrates. Après des études de mathématiques, il travaille dans l'informatique et devient dès 1976, avec son premier livre Francsiko et Pinta, la figure « culte » de la littérature hongroise postmoderne. Son œuvre se veut tout à la fois une révolte contre la destruction des hommes par la terreur et la violence et une résurrection de l'humanité par le deuil et l'ironie. Deux registres étroitement liés à sa propre histoire et à celle de la Hongrie.

Avec son roman Trois Anges me surveillent (1979, trad. franç. 1989), Péter Esterházy marque un changement radical dans la prose hongroise : le livre se décline en deux parties, la première constituant le « texte » proprement dit du roman, la seconde étant composée de ses commentaires, trois fois plus longs que le texte principal. Dans ce « roman de production » – comme le qualifie le titre hongrois –, l'auteur substitue à la linéarité et à la continuité de la narration le mélange de documents historiques qui renvoient tant à la fin du xixe siècle qu'au régime communiste, aboutissant à une parodie du roman du réalisme socialiste et à une satire du pseudo-héroïsme communiste. La totalité des œuvres écrites représente pour Esterházy un univers intertextuel auquel il initie le lecteur à travers un continuel jeu de masques. Aussi intègre-t-il – contrairement à la néo-avant-garde, qui s'est détournée de la tradition – différentes formes et procédés littéraires des grands auteurs hongrois (Géza Ottlik, Miklós Mészöly...). Dans son livre Introduction aux belles-lettres (1981, trad. franç. 1988), Esterházy réunit plusieurs textes en prose, contenant des citations imbriquées d'œuvres d'autres auteurs européens (Deszö Kosztolányi, Géza Ottlik, Alain-Fournier, Cocteau, Nietzsche, Kafka, Musil, Rilke, Bernhard, Handke). Si Esterházy frappe son œuvre du sceau de la révolte contre la société communiste, son regard reste toujours satirique et moqueur. Il en va de même pour La Petite Pornographie hongroise (1984), recueil d'aphorismes, d'anecdotes, de notes de journal intime et d'études théoriques. Ces textes racontent des faits divers obscènes tout en les mettant en parallèle avec la vie politique hongroise des années 1950. Lorsqu'il écrit Les Verbes auxiliaires du cœur en 1985 (trad. franç. 1992), sorte de requiem pour sa mère décédée trois ans plus tôt, Esterházy se réfère à Mallarmé, qui affirme que « le monde n'existe que pour aboutir à un beau livre ». La mort de sa mère lui rappelle son incapacité à parler, à reconnaître la réalité, à nommer le monde. De l'écriture, des verbes auxiliaires, il attend guérison et espérance. La forme extérieure de l'ouvrage est en elle-même éloquente : les pages sont encadrées de noir et partagées en deux : en haut, un texte fragmenté, réflexif, en bas, et en grands caractères, des renvois (qui vont de la citation à l'allusion) à Pascal, Tchekhov, Handke, Borges. Les belles-lettres ne se réduisent pas à des histoires racontées, mais procèdent de l'obligation de produire du sens à partir de la joie[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Péter Esterházy - crédits : Ulf Andersen/ Aurimages

Péter Esterházy

Autres références

  • HARMONIA CÆLESTIS (P. Esterházy)

    • Écrit par
    • 936 mots
    • 1 média

    Dans la magnifique floraison de la littérature hongroise d'aujourd'hui, se détache l'œuvre puissante et originale de Péter Esterházy. Depuis Trois anges me surveillent (1989), Le Livre de Hrabal (1990), Une femme (1998) et L'Œillade de la comtesse Hahn-Hahn - en descendant le Danube...

  • HONGRIE

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    • 32 134 mots
    • 19 médias
    Petér Esterházy (1950-2016) est l'auteur le plus populaire parmi les écrivains de la jeune génération. Il élabore dans ses romans une vision du monde complexe et originale. Son goût de l'ambiguïté et du jeu permet de multiples lectures et rend ses romans accessibles à de nombreux publics, cependant que...