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PETITES SCÈNES CAPITALES (S. Germain) Fiche de lecture

Des forêts et rivières aux rues et murs des villes, l’espace de Sylvie Germain est à lier avec le Temps qui le rythme. Paris est longtemps au cœur de Petites Scènes capitales (Albin Michel, 2013), ce qu’on y entend et voit, d’abord le chant des oiseaux plus que la rumeur urbaine, délimite un cadre. Entre le personnage principal, une enfant que l’on verra grandir, dans la ville et ailleurs. Et puis les contrastes ou antithèses disent la transformation de toute chose, comme dans ce : «… et le vide en lumière », qui constitue les derniers mots du roman de Sylvie Germain. La formule pourrait parfaitement résumer le trajet de Lili, l’héroïne, en une cinquantaine d’années. Petite, elle interrogeait Nati, sa grand-mère, à partir d’une photo, ouvrant sur un « qui c’est là ? » qui la taraudera longtemps. Elle sait mieux qui elle est.

Lili est une enfant qui a d’abord été élevée par son seul père, Gabriel. De lui, on apprendra peu de choses sinon qu’il a perdu sa première épouse peu après la Seconde Guerre mondiale, après qu’il a été interné et maltraité dans un camp de prisonniers dont il avait cherché à s’évader. La mère de Lili aurait disparu en mer, peut-être noyée. Lili souffre de cette absence et elle a bien souvent la tentation d’en finir, se penchant, encore enfant, sur le vide d’une rivière. Avant de sentir que l’existence peut être un plein, rempli d’étoiles.

Le roman des origines

Alors que la fillette avait cinq ou six ans, Gabriel a reconstitué une famille avec Viviane. Cette femme à l’existence agitée, a eu une fille, Jeanne-Joy, puis un fils, Paul, et des jumelles, Chantal et Christine, à chaque fois d’un père différent. Cette nombreuse famille investit l’appartement du nouveau couple. Le roman est aussi l’histoire de ces chambres qui se remplissent et se vident, qui résonnent des sons d’instruments (plusieurs enfants sont musiciens, mais pas Lili) puis de l’absence.

Lili s’interroge sur ses origines, cherche à conserver sa place auprès de son père et à trouver son rang parmi ses demi-sœurs et son frère. Ils sont à la fois proches et très différents : eux de vrais artistes, elle hésitant entre la gemmologie et la peinture, avant de se lier à un encadreur et de trouver sa voie.

Tout au long des années qui s’écoulent, et dont nous percevons à travers de minces indices les échos historiques, Lili cherche, essaie, risque. Les petites scènes capitales qui donnent son titre au roman sont ses moments d’épiphanie, racontant les découvertes, dévoilant ce qui a longtemps été caché, retardé. Personne, dans ce roman, n’est vraiment ce qu’il semble. Viviane, l’ex-mannequin de Jean Patou, que l’on croirait résumée à sa beauté, est une femme tourmentée. Elle a un jour accompli un geste unique, en sauvant Paul de la mort à laquelle il semblait promis. On suit par intermittence cette femme mystérieuse accablée par la mort accidentelle d’une de ses filles, tombant dans des états de catalepsie avant de voyager de lieu en lieu en quête d’une vérité qu’elle pourra totalement révéler. Son parcours est parallèle à celui de Paul, incapable de se fixer, d’abord persuadé qu’il doit entrer en religion avant de trouver sa vocation comme mime et clown. Mais l’existence de Paul ressemble aussi, à bien des égards, à celle de Lili, qu’on prénomme aussi Barbara comme si l’incertitude pesait ici sur tout, y compris sur les noms. On suivra avec autant d’intérêt pour ses méandres l’existence d’abord tranquille puis violente de Jeanne-Joy, ou celle joyeuse, puis douloureuse et enfin apaisée de Chantal, qui devient danseuse dans la troupe de Pina Bausch. Ces existences sont à l’image de ce qu’elle dit de la chorégraphe : « Pina dit-elle, nous donne à voir notre solitude d’atomes tourbillonnants et trépidants parce que inséparables les uns des autres et toujours en lutte. Attirance et rétraction, désirs d’étreintes et pulsions de rejet, affres de tendresse[...]

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