PÉTRA
La ville et ses monuments
Le nom sémitique de Pétra, attesté dans les inscriptions nabatéennes, est Reqem, construit sur la racine rqm, qui signifie « multicolore » et qui est utilisée dans plusieurs langues sémitiques pour qualifier une étoffe ou un plumage d'oiseau. C'est un nom particulièrement adapté à Pétra dont les grès bigarrés ont toujours fasciné les voyageurs.
Un schéma urbain original
Contrairement à l'image qu'ont pu avoir d'elle certains savants jusqu'à une date assez récente, Pétra a bien été une ville, pas seulement une nécropole ou un vaste sanctuaire. À ce titre, elle devait assurer, dans un environnement difficile, la subsistance, la circulation et la défense de plusieurs milliers d'habitants. Son organisation n'obéit pas aux schémas classiques des cités grecques et romaines du monde méditerranéen : pas de plan géométrique, pas de voirie organisée, pas d'opposition franche, qui aurait été matérialisée par un rempart, entre l'intérieur et l'extérieur de la ville, pas d'installation dans une position dominante et des ressources en eau pas directement accessibles. Au contraire, Pétra est installée dans un paysage très accidenté, au fond d'une cuvette flanquée, à l'est et à l'ouest, de massifs quasi infranchissables. Le Siq, seule voie d'accès par l'est, est moins une voie de circulation ordinaire qu'une voie processionnelle, avec ses dizaines de niches contenant des représentations divines et ses quatre dromadaires taillés dans la paroi rocheuse, plus grands que nature, portant peut-être des bétyles, conduits par leurs chameliers respectifs et tournés vers la ville. Pour leurs déplacements quotidiens, les hommes et les bêtes empruntaient plutôt, au nord-est et au sud-ouest du site, des cols reliés au centre urbain par de véritables pistes taillées dans le rocher.
L'habitat
Deux types d'habitat sont attestés à Pétra : le premier, maçonné, occupe surtout la ville basse, c'est-à-dire le fond de la cuvette et ses abords immédiats. Les collines au nord et au sud de la voie à Colonnade sont couvertes de murs et de tessons de céramique qui donnent une idée de sa densité. Grâce aux fouilles entreprises à az-Zantūr, on connaît le plan de la maison nabatéenne qui a définitivement remplacé, au début du ier siècle de notre ère, l'habitat sous la tente. C'est une vaste demeure, d'environ 21 m sur 25 m, qui comprend une douzaine de pièces disposées sur un seul niveau, avec un toit en terrasse. Des puits de lumière permettaient de pallier l'absence de fenêtres. Un peu plus loin, une autre maison, fouillée depuis 1996, bâtie à partir des années 20 après J.-C. et restée en usage jusqu'au séisme de 363, est particulièrement somptueuse. Elle présente les caractéristiques habituelles de l'architecture domestique nabatéenne, notamment les pavements de pierre, les seuils en bois, les canalisations d'eau sous les sols des pièces de service et les dalles de plafond en pierre mais aussi un décor peint couvrant les murs de l'une des salles jusqu'à 1,5 m de hauteur. Il est du même type que celui qu'on trouve à Alexandrie et à Pompéi à partir de l'époque augustéenne. Il s'agit là de maisons luxueuses, sans doute réservées à des élites que les modes alexandrines et romaines ne laissaient pas indifférents.
D'autres, plus modestes, ont été fouillées en d'autres points du site, mais il faut surtout noter les quelque 800 chambres rupestres creusées directement dans le rocher, notamment dans les secteurs des wadis as-Siyyagh, ad-Deir et Abū 'Olleiqah ainsi que sur le versant est d'al-Habīs et dans les parties méridionales des terrasses des jebels M'eisrah. Elles ont été interprétées comme telles en raison de l'absence, d'une part, de niches à bétyles et d'autels, ce qui[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Laïla NEHMÉ : directrice de recherche au CNRS
Classification
Médias
Autres références
-
JORDANIE
- Écrit par Philippe DROZ-VINCENT , Encyclopædia Universalis et Philippe RONDOT
- 19 739 mots
- 16 médias
...État palestinien. Sept siècles après David, les Nabatéens, une tribu arabe, fondent leur royaume dans le pays de Moab et d'Édom et installent à Pétra leur capitale. Ses ruines, impressionnantes, découvertes en 1812, sont magnifiquement conservées. L'empire nabatéen, qui a poussé ses marchands jusqu'aux... -
NABATÉENS
- Écrit par Laïla NEHMÉ
- 6 774 mots
- 5 médias
Pour ce qui est de la chronologie des tombeaux, il est désormais admis que les monuments les plus anciens ont été taillés à Pétra au IIe siècle av. J.-C. Il s’agit de tombeaux-tours, c’est-à-dire des cubes pourvus de quatre faces taillées reposant sur et sur un substrat rocheux dont ils sont solidaires.... -
PALMYRE
- Écrit par Encyclopædia Universalis et André LARONDE
- 2 973 mots
- 6 médias
...Si Palmyre jouait déjà un important rôle commercial et militaire, le grand commerce oriental passait surtout par l'intermédiaire des Nabatéens de Pétra. Rome, qui tenait déjà les ports égyptiens de la mer Rouge, donna le coup de grâce à ce trafic en annexant, en 106, le royaume nabatéen. L'éviction...