JACOBSSON PETTER (1963- )
Un virage radical
En 2002, néanmoins, Petter Jacobsson quitte le Ballet royal de Suède, encore trop inféodé, selon lui, à la programmation d’opéras. Il crée en 2005 sa propre compagnie, Scentrifug, toujours avec Thomas Caley (qui partage sa vie), après avoir reçu un Gold Mask en 2003 pour leur création Chess The Musical. Ils ouvrent une petite galerie pour exposer leurs créations en matière de vidéo-danse d’art – un nouveau genre artistique fusionnant danse, arts visuels et vidéo – et participent à des festivals, de Los Angeles à Tōkyō. Avec Scentrifug, ils créent une vingtaine de pièces, dont Paradise ? (2006) qui expérimente une voie tout à fait nouvelle, mêlant à la chorégraphie traditionnelle les formes les plus poussées d’art vidéo. Ce nouveau style se retrouvera dans The nearestnearness(2010), une projection romantique et utopique d’une forme de danse du futur… Entre temps, Jacobsson et Caley produisent Flux (2008) et No mans land – no lands man(2009).
En juillet 2011, Petter Jacobsson est nommé à la direction artistique du Centre chorégraphique national (C.C.N.)-Ballet de Lorraine où il succède à Didier Deschamps. Celui-ci, qui occupait ce poste depuis 2000, avait permis à cette compagnie – issue du Ballet Théâtre Contemporain installé initialement à Amiens et historiquement un des premiers lieux de création et de recherche pour la danse contemporaine – de revenir à la vocation contemporaine du ballet en commandant des pièces à des chorégraphes contemporains ou en reprenant des œuvres des grandes figures de la danse du xxe siècle, telles que Martha Graham ou Merce Cunningham.
S’inscrivant dans le droit fil de l’innovation qui a présidé à la création du C.C.N.-Ballet de Lorraine, Petter Jacobsson va favoriser l’exploration des nouvelles tendances de l’art chorégraphique. Sa programmation se veut le reflet de questionnements qui lui semblent indispensables à la vie d’une compagnie.
Sa première saison (2012-1013) pose la question du féminin et de l’écriture dans la danse, avec pour perspective une redéfinition du ballet, de la performance et des termes « classique » et « contemporain ». Ce sont donc Mathilde Monnier et La Ribot, Gisèle Vienne et Twyla Tharp et, enfin, la Norvégienne Ingun Bjørngaard qui ont été invitées, en trois soirées distinctes, à dessiner une vision de la danse plurielle en prise avec le monde d’aujourd’hui. Si la première soirée s’attachait à rendre palpable la fabrication de la danse par l’interprète, la deuxième offrait un regard contrasté sur la nature même de l’art chorégraphique, en confrontant les femmes-poupées de Gisèle Vienne, qui développe toute une réflexion sur le fantasme du corps inaccessible ou idéal, et In the Upper Room de Twyla Tharp, qui demande à ses danseurs des performances physiques très virtuoses. La dernière soirée proposait une libre interprétation de HeddaGabler du dramaturge norvégien Henrik Ibsen dans une chorégraphie oscillant entre théâtralité et abstraction. Faut-il voir dans cette représentation un parallèle entre l’auteur norvégien qui a voulu vaincre le conservatisme et les préjugés en dotant l’art dramatique d’une puissance nouvelle et le directeur suédois qui souhaite bousculer la convention des ballets en dotant l’art chorégraphique d’une dynamique créatrice ? Peut-être.
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Écrit par
- Agnès IZRINE : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse
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