PHAGOTHÉRAPIE
Une énigme scientifique : la phagothérapie est rejetée en Occident mais promue en Union soviétique
Après la Seconde Guerre mondiale, la phagothérapie fut utilisée presque exclusivement dans certains pays du bloc soviétique. Elle devint un symbole idéologique des divisions et des contrastes entre la science occidentale et la science communiste. Cette méthode avait été introduite en Union soviétique par d'Hérelle et George Eliava, l'un de ses plus proches collaborateurs à Paris. Ceux-ci furent invités par le gouvernement à créer des centres pour le développement de la phagothérapie. En 1933, d'Hérelle quitta son poste de professeur à l'université de Yale pour réaliser ce projet. En 1937, Eliava fut arrêté comme « ennemi du peuple » et exécuté. D'Hérelle, déçu et désormais averti des risques, ne retourna plus dans le pays. Malgré cet événement, tragique mais banal dans l'Union soviétique de l'époque, la phagothérapie connut un grand essor au-delà du rideau de fer. La médecine soviétique affirma des résultats significatifs dans le traitement et la prévention de plusieurs maladies infectieuses d'origine bactérienne (fièvre typhoïde, dysenterie bacillaire, staphylococcies, streptococcies, gangrène gazeuse, etc.). Les bactériophages furent administrés, seuls ou avec les antibiotiques. Lors de la guerre d'Afghanistan en particulier, des expériences à grande échelle fournirent des indications positives quant à l'efficacité prophylactique de ces agents biologiques contre le choléra. Toutefois, les travaux publiés dans l'ex-Union soviétique manquent souvent de la rigueur requise en Occident (lieux des essais, groupes de contrôle, etc.). Certains experts expliquent l'absence de ces informations par le fait que la phagothérapie a été étudiée dans le cadre de recherches militaires couvertes par le secret. L'école soviétique d'épidémiologie avait en effet une compétence reconnue. Quoi qu'il en soit, l'application thérapeutique des bactériophages a survécu en Géorgie et en Pologne jusqu'à présent. Aujourd'hui l'Institut Eliava de Tbilissi et l'Institut Hirszfeld de Wroclaw sont réputés dans le monde entier pour le savoir-faire acquis dans ce domaine.
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Écrit par
- Emiliano FRUCIANO : docteur en histoire et civilisations à l'École des hautes études en sciences sociales, chercheur en histoire sociale, journaliste
Classification
Médias
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