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PHAGOTHÉRAPIE

Le renouveau de la phagothérapie

En France, la phagothérapie a disparu officiellement avec le retrait du dictionnaire Vidal en 1978 de la dernière spécialité produite par l'Institut du bactériophage, une pommade contre les infections cutanées. La recherche sur les bactériophages thérapeutiques a cessé à peu près au même moment, avec la fermeture du service du bactériophage de Jean-François Vieu de l'Institut Pasteur et un peu plus tard de celui de Lyon. Pourtant, J.-F. Vieu avait rassemblé plusieurs centaines de bactériophages potentiellement utilisables contre les staphylocoques et les infections digestives et n'a pas, depuis lors, cessé de fournir des phages à usage médical. Ce moyen thérapeutique n'a donc pas été oublié et l'on trouvait des articles de temps à autre dans la littérature scientifique internationale, en moyenne une trentaine par an jusqu'en 1990. Le renouveau est venu de la prise en charge de situations médicales particulières. Devant la montée en fréquence des infections à bactéries résistantes aux antibiotiques et devant la montée en gravité des infections profondes, osseuses, et de manière générale mal drainées par le système circulatoire, quelques praticiens ont eu l'idée de revenir à des bactériophages précis pour lutter contre ces maladies devant lesquelles l'antibiothérapie traditionnelle avait rendu les armes. On est extrêmement loin des expériences peu satisfaisantes de D'Hérelle et de ses préparations indécises et imprécises. Des bactériophages assez bien caractérisés sont obtenus de diverses sources, en particulier de l'Institut Eliava de Tbilissi, mais surtout sélectionnés sur les cibles, et utilisés d'abord pour traiter des infections profondes récidivantes. Dans cette redécouverte des phages thérapeutiques en France s'illustrent le Dr. A. Dublanchet et quelques praticiens qui travaillent avec lui depuis une quinzaine d'années. Des essais cliniques de plus en plus nombreux sont menés sur ces infections récidivantes, en particulier aux États-Unis. Les séries sont faibles ; le type de maladies ne se prête pas bien aux essais en double-aveugle, mais il ne fait guère de doute que les bactériophages qui tuent les microbes impliqués dans ces infections se sont révélés efficaces dans une forte proportion de cas.

Le Gange, fleuve purificateur et source du choléra - crédits : N. Cousland/ Shutterstock

Le Gange, fleuve purificateur et source du choléra

Au début des années 1980, des microbiologistes de l'université d'Ōsaka recherchaient systématiquement des bactériophages pour tenter de limiter les maladies diarrhéiques en Indonésie, tout comme l'avait fait d'Hérelle cinquante ans plus tôt. La création de plusieurs sociétés d'étude et de production de bactériophages thérapeutiques remonte à 1990. La fréquence des publications augmente rapidement depuis 1992. Le champ d'application de la phagothérapie se définit progressivement. Il s'agit presque toujours de maladies infectieuses récidivantes ou dues à des agents résistants aux antibiotiques. Dans une étude américaine de 2011, les auteurs concluent à l'efficacité de la phagothérapie lorsque les antibiotiques, donnés en première intention, se sont révélés inefficaces pour quelque raison que ce soit. Ils estiment que les maladies suivantes sont particulièrement susceptibles d'être soignées avec des bactériophages : ulcères cutanés, infections purulentes, infections par des staphylocoques résistants à la méthicilline, infections par des Pseudomonas, brûlures, infections profondes (en particulier osseuses) et infections oculaires. Des phages ont été utilisés en 2011 avec succès pour lutter contre les diarrhées infantiles au WHO Centre for Study of Diarrheal Diseases de Dacca au Bangla Desh, selon une méthodologie bien menée. Ce résultat confirme ceux de certains des essais plus médiatiques que méthodiques menés dans le delta du Gange par D'Hérelle en 1930.

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Écrit par

  • : docteur en histoire et civilisations à l'École des hautes études en sciences sociales, chercheur en histoire sociale, journaliste

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Médias

Bactériophage infectieux pour les staphylocoques dorés - crédits : Avec l'aimable autorisation de H.-W. Ackermann

Bactériophage infectieux pour les staphylocoques dorés

Le Gange, fleuve purificateur et source du choléra - crédits : N. Cousland/ Shutterstock

Le Gange, fleuve purificateur et source du choléra

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    Né à Montréal, orphelin de père à six ans, il est emmené par sa mère à Paris, puis en Hollande. On manque de précisions sur ses études supérieures. Mais on sait comment Félix d'Hérelle s'est orienté, par hasard, vers la microbiologie, en apprenant qu'une place de chef de laboratoire...