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PHALLUS

Objet d'élaborations multiples, le phallus n'apparaît, dans l'Antiquité, ni comme une évidence anatomique ni comme un donné biologique. Né d'une vision physiologique qui prédisposait l'organe viril à devenir une abstraction métaphysique, le phallus grec a pu, jusqu'à nos jours, inspirer de nombreuses allégories. C'est que le phallus a été pensé au cœur d'une biologie aristotélicienne qui considérait, dans une rigoureuse asymétrie face au mâle, la femelle comme étant la matière, un réceptacle passif et une productrice de sperme stérile. Prenant souvent des allures de supports conceptuels et de modèles explicatifs, les représentations du phallus ont contribué aussi à forger des théories de la connaissance des choses humaines et célestes.

Il en va ainsi du Logos spermatikos, la « Raison séminale » des stoïciens, ou de l'image phallique, conçue comme un symbolisé universel, que la psychanalyse découvre comme étant sous-jacente à des représentations très diverses.

C'est à un faisceau d'instruments, physiques ou métaphysiques – objets quotidiens magiques, cultuels ou érotiques, mythes d'une province ou théories à vocation universelle –, que renvoient les figurations du phallus. Car, comme pour la tête, l'œil, le sexe féminin, le cœur ou la main, les valeurs significatives accordées aux représentations des parties ou des organes du corps sont modelées par les fables, les pratiques et les traditions locales, que déterminent souvent les pesanteurs du social.

De l'Antiquité à l'historiographie moderne

Phallus en promenades solennelles

Si, par sa racine indo-européenne, le substantif grec phallos évoque un gonflement, il désignait, dans son sens le plus ancien, le pénis en érection et, plus souvent, sa représentation. D'autres mots, le grec aïdoïa et le latin pudenda (à la fois « les parties honteuses » et « ce pour quoi on a de la révérence ») signifiaient aussi bien, pour les deux genres, l'organe sexuel anatomique ou figuré. Cela, même si le phallus peut être dans un état de flaccidité, dans le cas de figurations de personnages comiques ou grotesques et sur certaines amulettes magiques.

Attribut faisant corps avec une figure au sexe érigé, ithyphallique comme Pan, Hermès, Priape ou un satyre, le phallus pouvait aussi être isolé de toute anatomie. Il devenait alors l'objet privilégié de certaines cérémonies. C'est dans l'environnement d'un Dionysos rustique, et de ses fêtes d'hiver, qu'Aristophane met en scène un cortège qui promène le phallus en procession. Ces phallophories s'accompagnaient de chants phalliques qu'Aristote imaginait composés par les premiers auteurs de comédies.

Au cours d'un grand cortège dionysiaque offert par Ptolémée II Philadelphe, pour célébrer la fin de la première guerre de Syrie, parmi ces chars géants qui exhibaient les richesses et les merveilles de l'Inde et d'Arabie, se trouvait un énorme phallus en or de cent quatre-vingts pieds de long. À son extrémité était une étoile en or, d'un périmètre de neuf pieds.

Phallus en promenades solennelles, statuettes dont on pouvait articuler, à l'aide de cordes, un membre viril disproportionné, porteurs de phallus déclamant des cantiques, acteurs ithyphalliques portant un masque d'ivrogne ou dansant, toutes ces festivités illustrent, parmi d'autres, les relations fréquentes entre le phallus et Dionysos, maître de la vigne et puissance qui gère les excès de la fête.

C'est à la rancune de Dionysos que certains récits attribuaient l'origine des phallophories. Les Athéniens avaient, en effet, refusé d'honorer les statues du dieu introduites par Pégase. Comme conséquence de cette conduite, le sexe des hommes d'Athènes fut accablé d'une maladie incurable. Suivant alors les[...]

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Écrit par

  • : psychanalyste, ancien chef de clinique à la faculté de médecine de Paris
  • : assistant associé à l'École pratique des hautes études, (Ve section, sciences religieuses)
  • : psychanalyste

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