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PHANARIOTES

Couche sociale grecque qui participe, dès le xviie siècle, au système administratif de l'Empire ottoman. Les Phanariotes (du quartier de Constantinople Phanari) acquièrent une conscience de classe et une idéologie qui reflètent l'équilibre possible entre un despotisme éclairé et la soumission à un État de type oriental. Des familles enrichies dans le commerce et les placements usuraires, en contact avec la culture occidentale, furent utilisées par la Porte dans des postes confiés auparavant à des étrangers (grands interprètes) ou occupés jusque-là par des autochtones (nomination, dès 1709, de Phanariotes comme princes de Valachie et de Moldavie au détriment des princes autochtones) ; une autre carrière, inférieure celle-ci, était celle de drogman de la flotte. Les Grecs exercent les fonctions de grands interprètes et de drogman de la flotte au xviie siècle, mais c'est au commencement du xviiie siècle que les Phanariotes témoignent un intérêt pour la dernière de ces fonctions. La carrière la plus considérable fut celle de prince de Valachie et de Moldavie : vingt-six princes phanariotes, issus de neuf familles, s'y succédèrent de 1709 à 1821, jusqu'à ce que la révolution grecque mette fin à ce mode de recrutement. Par leurs compétences administratives dans des pays semi-autonomes, les princes phanariotes ont pu entretenir des relations internationales et participer, comme d'ailleurs les grands interprètes, à l'exercice de la politique extérieure de l'Empire ou se lier avec des puissances étrangères contre l'Empire ottoman.

En tant que couche sociale dont les fonctions administratives débouchaient sur un double pouvoir, économique et politique, les Phanariotes ne constituaient qu'un des éléments de l'État ottoman où les ordres étaient constitués sans tenir compte de l'origine ethnique et, dans ce cas, religieuse de ses membres : la promotion des Phanariotes n'était pas le résultat d'une pression due à une mobilité sociale verticale, mais la convergence d'une série de besoins techniques de l'État et d'une mobilité sociale horizontale effectuée à l'intérieur d'une collectivité ethnique, les Grecs. Le contact des Phanariotes avec la culture de l'Occident les amène à adopter les idées des Lumières (Aufklärung), et du despotisme éclairé. En tant que princes de Roumanie, ils exercent un pouvoir et affrontent des problèmes sociaux qu'ils essayent de régler par des réformes (lois de Constantin Mavrocordato de 1740 et de 1749 abolissant le servage, mais légalisant, en même temps, l'appropriation des terres par les boyards) ; en revanche, sur le plan intellectuel, ils exercent une influence qui s'inscrit dans une dynamique qui les dépasse, parce que leur comportement dévie vers le conservatisme : l'abandon des choix progressistes constitue l'une de leurs caractéristiques et la diversité des attitudes qu'ils adoptent reflète leur idéologie conformiste, voire pragmatiste, idéologie que résume fort bien cette phrase d'Alexandre Mavrocordato (1641-1709) : « Ne faites ni ce que vous voulez ni ce que vous pouvez, mais ce qui vous est utile. »

Pendant la révolution grecque de 1821 ainsi que dans l'État grec libre, les Phanariotes jouent un rôle politique et intellectuel important. Politiquement formés et disposant de connaissances techniques, ils s'imposent rapidement, mais en même temps ils provoquent la réaction des « autochtones ». Dans le domaine culturel, ils continuent d'être les représentants des Lumières et de valoriser l'Antiquité grecque, mais, comme auparavant, ils s'adaptent aux courants de l'époque, ils adoptent l'archaïsme linguistique, ils adhèrent au mouvement romantique : dans leur ensemble, ils ne constituent pas un courant linéaire, mais un faisceau de forces qui se dispersent[...]

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Écrit par

  • : chargé de conférences à l'École pratique des hautes études

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