PHARISIENS
Le mot « pharisiens » n'est que la translitération du grec pharisaioi, lui-même décalque direct de la forme emphatique araméenne perishayyā, dérivée de l'hébreu perushīm qui, selon l'étymologie la plus probable, signifie « séparés ». L'origine du nom demeure cependant obscure et les essais pour l'expliquer sont nombreux : d'aucuns voient même dans « pharisiens » la simple transposition de « Perses », d'autres rattachent le terme à parash dans le sens de « diviser », « expliquer » l'Écriture, etc.
Les pharisiens représentent l'une des quatre sectes juives (avec les sadducéens, les esséniens et les zélotes) décrites par Flavius Josèphe (Guerre des Juifs, II, 162-166). Il semble que l'origine historique de ces perushīm (« séparés » de tous ceux qui ne connaissent pas ou n'appliquent pas la Torah, les impies que les rabbins appelleront am ha-ares, « peuple du pays », et parmi lesquels sont comptés les sadducéens) soit à chercher chez les Hassidīm (« pieux »), groupe d'hommes « dévoués à la Loi » qui rejoignit Mattathias et ses compagnons lors de la révolte macchabéenne (I Macch., ii, 42). Minoritaires au début, ils se sont multipliés et ensuite étendus, numériquement et doctrinalement, en Palestine et ailleurs. D'après Josèphe, ils étaient six mille qui refusèrent de prêter serment à Hérode (Antiquités juives, XVII, 42) ; il faut ajouter le lot, plus nombreux encore, des sympathisants. À la différence des sadducéens, les pharisiens formaient un mouvement de piété assez populaire, laïque en majorité et touchant les classes moyennes et même pauvres du pays. Le souci de l'autonomie du champ religieux les caractérisait fondamentalement. Sous le règne de Jean Hyrcan (~ 135-~ 104), ils apparaissent comme un groupe déjà solidement organisé. Mais ils se désolidariseront de la dynastie asmonéenne, puis, au prix de lourdes persécutions (Alexandre Jannée les fera crucifier par centaines, selon Josèphe, Guerre des Juifs, I, 97), s'opposeront à elle. Leur rôle politique connaîtra un déclin constant à partir de ~ 63 (intervention de Pompée) pour ne se rétablir qu'après la grande Révolte juive. Ils seront en effet les farouches défenseurs de l'indépendance contre Rome.
Doctrinalement, les pharisiens se définissent surtout par leur croyance à la double autorité de la Torah, à la fois comme Loi écrite et comme Loi orale ; à leurs yeux, l'une et l'autre ont été révélées à Moïse au Sinaï et la seconde est destinée à éclairer la première. Les pharisiens sont donc des gens de l'interprétation de l'Écriture ou de la Loi. « Parole de Dieu », celle-ci devait être adéquate à tous les temps et à toutes les circonstances. Ainsi s'élabora toute une halakah (ensemble de règles de vie) pharisienne, abondante et féconde : la tradition orale offrait la possibilité d'une adaptation sûre à des situations nouvelles et elle préparait la maturation et la réception d'idées neuves (le jugement après la mort, la résurrection, etc — c'est-à-dire, en général, les grandes croyances que le christianisme adoptera). De ce fait, en dépit de leur rigidité et de leurs intransigeances morales, les pharisiens manifestaient une grande ouverture sur le terrain doctrinal.
Paradoxalement, la chute de Jérusalem en 70 leur permit de ressusciter et de connaître un destin nouveau. Tandis que Vespasien permettait au docte pharisien Johanan ben Zakkai de fonder une école et un tribunal à Yamnia, naquit un grand mouvement qui allait assurer, de longs siècles durant et jusqu'à une époque récente, la permanence d'un judaïsme sans Temple et d'une religion sans État. Les pharisiens demeuraient seuls sur la scène juive et, n'ayant plus de raisons de s'appeler pharisiens puisque l'étiquette traduisait une distinction[...]
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Écrit par
- André PAUL : bibliste
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