FULDE-FERRELL-LARKIN-OVCHINNIKOV PHASE
L’état FFLO (initiales des physiciens Peter Fulde, Richard Ferrell, Anatoly Larkin et Yuri Ovchinnikov, qui ont prédit son existence en 1964) est un état supraconducteur qui résiste à la présence d’un champ magnétique élevé. Sa mise en évidence, plus de cent ans après que l’équipe du physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes a mesuré la disparition de la résistance électrique d’un échantillon de mercure maintenu à très basse température, pourrait éclairer les diverses tentatives d’explication encore trop parcellaires des divers types de supraconduction. Alors que les supraconducteurs habituels expulsent les champs magnétiques faibles, puis acquièrent une résistance électrique normale lorsqu’ils sont exposés à des champs plus intenses, la caractéristique principale de ce nouvel état de la matière est que sa supraconductivité résiste à un champ magnétique élevé. Les travaux théoriques du physicien américain Ferrell et de son étudiant Fulde d’une part, et des Russes Larkin et Ovchinnikov d’autre part, avaient démontré que les électrons pouvaient s’apparier dans des états particuliers, appelés « états d’Andreev » en référence au théoricien russe Alexander F. Andreev.
L’état supraconducteur apparaît en général parce que les électrons d’un solide s’apparient en paires de Cooper (du nom du théoricien américain Leon N. Cooper, lauréat du prix Nobel en 1972) dont le moment cinétique intrinsèque – ou spin – total est nul ; au contraire, l’état d’Andreev est caractérisé par des paires d’électrons mal assortis. Comme la paire de Cooper, cette quasi-particule peut se déplacer librement dans le solide, assurant la parfaite conductivité électrique typique de l’état supraconducteur. Après que plusieurs équipes eurent indirectement détecté la possible apparition d’une nouvelle phase supraconductrice dans des composés organo-métalliques ou des solides tels que le cristal de CeCoIn5 constitué de cérium, de cobalt et d’indium, une expérience décisive a été réalisée par l’équipe de résonance magnétique nucléaire du Laboratoire national des champs magnétiques intenses de Grenoble, en collaboration avec des physiciens de l’université Brown (Providence, États-Unis) et de l’université de Tōkyō (Japon). Comme le démontre l’article paru dans la livraison du 26 octobre 2014 de la revue Nature, la mise en évidence des états d’Andreev dans le supraconducteur organique kappa-(BEDT-TTF)2Cu(SCN)2 est en effet une signature microscopique caractéristique d’un état FFLO.
C’est en étudiant par des expériences de résonance magnétique nucléaire un échantillon placé dans des bobines résistives maintenues à très basse température (inférieure à 10 kelvins) que les physiciens ont pu démontrer la présence de cet état ; la mesure du temps nécessaire au retournement du spin des électrons exposés à un champ magnétique de 15 à 27 teslas a révélé un pic dont les caractéristiques dépendent de la température et de l’intensité du champ appliqué précisément comme doivent le faire des états d’Andreev. La conclusion logique de cette mesure est que ce solide est dans une phase FFLO entre la phase supraconductrice à 1,4 K et la phase normale vers 10 K.
On peut imaginer qu’un aimant supraconducteur construit à partir d’un matériau possédant une phase FFLO pourrait battre tous les records d’intensité de champ, et par conséquent être très utile dans le domaine de l’imagerie médicale. Certes, les composés organo-métalliques tels que celui testé à Grenoble ne sont pas des matériaux adéquats à la construction d’aimants, mais il n’y a aucune raison de penser que l’état FLLO soit réservé à ces solides.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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