PHÉNICIENS
La religion
Les aspects anciennement connus
La religion phénicienne ne fut longtemps connue, et très imparfaitement, que par la Bible, violemment hostile à l'idolâtrie cananéenne, par des stèles et des reliefs, et par ce que l'on savait de la religion punique : elle semblait pauvre, sans grande originalité, avec ses Baals, proches de l'Hadad syrien, son Astarté, déesse de fécondité orientale, et des dieux patrons et « maîtres » des différentes cités, tels que Melqart de Tyr, Eshmoun de Sidon, Dagon d'Arwad, Reschef le « lumineux ». Philon de Byblos (ier siècle apr. J.-C.), apparemment traducteur du prêtre légendaire Sanchoniaton (vers le xie siècle), et connu seulement par la Préparation évangélique d'Eusèbe de Césarée (ive siècle apr. J.-C.), exposait une cosmogonie, à base de généalogies, formée d'un amalgame de notions communes à tout l'Orient et passablement hellénisée dans sa nomenclature. Mais ce n'était là qu'un état tardif et adultéré de la religion phénicienne.
Les découvertes d'Ougarit (Ras Shamra)
Depuis 1929, de nombreux textes sont venus jeter une lumière nouvelle : les Phéniciens ont eu, à une époque ancienne, une religion agraire et des mythes originaux. Si les textes d'Ougarit confirment et complètent la cosmogonie de Philon, avec le dieu suprême El, fils d'Élyon, son fils Baal, le « maître », dieu de la foudre et des hauteurs, assimilé plus tard seulement à l'Hadad syrien, un dieu des fleuves et des sources, Aliyan, et son adversaire, le dieu de la moisson, Mot, ainsi que plusieurs divinités féminines (Ashérat, Anat, Ashtart), ils révèlent en outre les mythes qui reflètent les conditions climatiques et agraires de la côte phénicienne, l'opposition radicale des deux saisons, l'hiver pluvieux, l'été sec et torride. Le mieux connu est le mythe de Mot et Aliyan : ce dernier, qui féconde la terre et favorise la végétation printanière, est chassé par Mot et disparaît sous la terre au moment des moissons et des récoltes ; grâce à l'aide de la déesse Anat et du dieu El, Mot est à son tour vaincu et meurt, comme le grain sur l'aire. À l'automne, après les vendanges, Aliyan réapparaît dans l'allégresse générale et le cycle des saisons recommence. Ce mythe agraire fondamental survivra longtemps, car plus tard Adonis, dont la passion, célébrée lors des fêtes de Byblos, nous est contée par Lucien de Samosate, au iie siècle après J.-C., meurt et ressuscite, faisant succéder la joie aux lamentations et unissant en lui les deux anciennes divinités oubliées, Mot et Aliyan. L'Ancien Testament, d'autre part, mentionne des fêtes agraires cananéennes (printemps, moissons, vendanges), célébrées non seulement sur les « hauts lieux », mais aussi devant les temples : on a retrouvé à Ougarit les fondations de sanctuaires très anciens, l'un consacré à Baal, l'autre à Dagon, le dieu du blé. Les sacrifices jouaient un rôle important, sanglants le plus souvent, la victime animale étant le substitut de l'offrant. Les sacrifices humains ont duré longtemps, puisqu'on connaît encore à Carthage le fameux sacrifice molk (d'où on a tiré à tort le nom d'un dieu Moloch) au cours duquel des nouveau-nés étaient livrés au feu (holocauste). Les Phéniciens ont toujours pratiqué l'inhumation, et des soins particuliers étaient rendus aux morts : cependant, les croyances eschatologiques sont peu développées, l'âme des défunts habitant la tombe et demandant de la nourriture et surtout de l'eau. À une époque tardive et sous des influences étrangères, perse notamment, on relève dans les dédicaces un certain souci moral, qui semble inconnu auparavant.
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Écrit par
- Hélène BENICHOU-SAFAR : docteur en archéologie, membre du groupe de recherche 989 du C.N.R.S.
- Paul PETIT : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Grenoble
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