PHÉNOLS
Dès le début du xixe siècle, les chimistes avaient réussi à isoler des huiles moyennes du goudron de houille, agitées avec une solution concentrée de soude, un composé défini. La couche aqueuse, additionnée d'un acide minéral, laissait déposer une huile dont la distillation fractionnée fournissait en tête un composé bouillant à 175 0C et cristallisant par refroidissement pour fondre de nouveau aux environs de 40 0C. En raison de la nature du procédé d'extraction, on considérait ce composé comme un acide ; il fut appelé d'abord acide carbolique (F. F. Runge, 1834), puis acide phénique (A. Laurent, 1841). Lorsqu'il fut établi qu'il ne comportait pas, comme la plupart des acides organiques alors connus, un groupe carboxylique dans sa structure, C. F. Gerhardt proposa de l'appeler « phénol », nom qui a peu à peu détrôné celui d'acide phénique encore partiellement en usage en 1930. Le mot « phénol » est tout à fait conforme à la nomenclature officielle ; en effet, le phénol C6H5OH, résulte du remplacement dans le benzène (dont le nom officiel, mais inusité, est « phène ») d'un hydrogène par un hydroxyle.
Le phénol est le plus simple des dérivés hydroxylés d'un noyau benzénoïde, et le nom générique de phénols désigne l'ensemble des composés portant un hydroxyle sur un tel noyau.
En dehors du phénol lui-même, les huiles moyennes du goudron de houille renferment divers homologues, notamment les crésols et les xylénols ; les huiles lourdes contiennent de petites quantités de naphtols (phénols portant un hydroxyle sur le noyau naphtalénique).
D'autres phénols sont présents dans les huiles essentielles, par exemple le thymol de l'essence de thym. On rencontre aussi, dans les essences naturelles des éthers méthyliques de phénols, ArOCH3, dont la déméthylation conduit au phénol ArOH.
Le règne végétal fournit également des phénols, des polyphénols et des composés portant à côté d'autres fonctions (acide salicylique, acide gallique), des hydroxyles nucléaires, qui sont parfois libres, mais le plus souvent engagés sous forme d'éther-oxydes ou d'hétérosides ; on peut aisément en tirer des phénols ou des polyphénols. C'est ainsi que l'acide salicylique HOCO−C6H4−OH se décarboxyle facilement en phénol, et que le gaïacol CH3O−C6H4−OH (extrait de la créosote) est déméthylé en pyrocatéchine HO−C6H4−OH.
Les phénols sont des antiseptiques puissants, mais les premiers termes sont corrosifs. Néanmoins, des mélanges de phénols extraits du goudron de houille sont encore utilisés pour la désinfection, ainsi qu'en médecine vétérinaire. Cependant, le plus grand intérêt de la plupart des phénols naturels ou des phénols synthétiques réside dans leur emploi comme intermédiaires de synthèse : parfums, colorants, produits pharmaceutiques et phytosanitaires, fibres synthétiques, résines thermodurcissables, par exemple.
Préparations
Le goudron de houille n'est plus qu'une source très partielle de phénols définis. En effet, si le plus volatil d'entre eux, le phénol lui-même, peut en être extrait sans trop de difficulté, les homologues (crésols et xylénols) sont d'une séparation beaucoup plus délicate, du fait de la proximité des points d'ébullition des divers isomères. Des procédés chimiques utilisant les différences d'acidité ont été préconisés (salification fractionnée), mais ils sont peu efficaces et, présentement, les phénols définis doivent tous leur origine à la synthèse partielle.
Le point de départ est toujours un hydrocarbure aromatique. Historiquement, le phénol lui-même a été préparé industriellement à partir du benzène par quatre procédés qui sont peu à peu tombés en désuétude. Le plus ancien employait au départ la nitration ; le nitrobenzène (C6H[...]
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Écrit par
- Jacques METZGER : professeur de chimie organique à la faculté des sciences de Marseille
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