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DELORME PHILIBERT (1514-1570)

L'invention

L'invention, là où on peut la saisir vivante sur des œuvres conservées à Saint-Denis, à Anet, apparaît comme le maître mot de la production delormienne. Elle préside à toutes les phases du travail de l'architecte, du plan masse au dessin de la mouluration. On doit à V. Hoffmann (1973) d'avoir attiré l'attention sur cet aspect essentiel du génie de Philibert. Le plan d'Anet n'est pas, comme le pensait Blunt, une disposition traditionnelle de quatre ailes autour d'une cour quadrangulaire. Les masses articulées du châtelet d'entrée, fortement saillant sur le fossé, l'accrochage de la chapelle au milieu de l'aile de la galerie, la volumétrie du cryptoportique sont sans précédents dans l'architecture française du milieu du siècle. Sans doute quelques traits sont-ils inspirés des grands chantiers italiens vus quinze ans plus tôt : Delorme a présent à l'esprit le plan de la forteresse de Basso (Antonio da Sangallo le Jeune, 1530) quand il dessine le front antérieur d'Anet. Mais il est seul avec lui-même pour travailler les formes sur le mode qu'il affectionne, celui de l'ambiguïté. Ambiguïté des terrasses flanquant le châtelet, à la fois espaces de défenses et d'agrément, ambiguïté de la chapelle, « chef-d'œuvre » du château mais dont le chevet et la coupole sont visibles de la basse-cour uniquement, ambiguïté d'une façade fortifiée ornée de marbres polychromes comme un cabinet d'ébénisterie, surmontée de sarcophages-cheminées, ambiguïté du dessin d'encadrement des fenêtres de la chapelle, qui paraît avoir été scié. Le jeu croisé des nervures hélicoïdales de la coupole est sans doute un emprunt au temple de Vénus et de Rome à Rome, mais, J. M. Pérouse de Montclos l'a découvert, « ce qui est bien de Philibert, c'est que cette mouluration est la projection verticale sur une sphère du dessin en spirale du pavement [...] mettant en représentation le passage du plan au volume » : l'interprétation traditionnelle simplette – le dessin du pavement, reflet de celui de la coupole – laisse la place à un des plus beaux exemples de la manière subtile avec laquelle Delorme travaille la complexité.

L'invention delormienne aborde tous les thèmes de l'actualité architecturale. Celui des ordres n'est pas le moindre. Dans ce moment crucial de la formation du langage de l'architecture classique française, Delorme innove dans l'orthodoxie : Anet, avec son frontispice (aujourd'hui à l'École des beaux-arts), est le premier exemple en France d'une superposition canonique des ordres alors qu'au palais du Louvre, à la même époque, cette superposition ne respecte pas les ordres. Delorme innove également dans l'hétérodoxie. Le modèle de base composite gravé dans le Premier Tome scandalise en effet l'Académie : le chapiteau à deux rangs de lauriers de la chapelle d'Anet n'appartient à aucun ordre répertorié ; le traitement d'angle du chapiteau ionique du tombeau de François Ier à Saint-Denis (1547) est à nul autre pareil. Pour Philibert, l'ordre, élément vivant de la composition architecturale, doit s'adapter au contexte. Si des carrières françaises ne peuvent être extraits que des blocs de pierre de petites dimensions, l'architecte renoncera de bon cœur aux colonnes à fût monolithe si apprécié des Italiens ; il traitera les ordres selon un « mode français », des tambours assemblés et bagués pour masquer les joints (chapelle de Villers-Cotterêts, 1552, Tuileries, 1564). À la question de la chapelle sur plan centré, qui occupe l'Italie depuis longtemps mais à laquelle la France n'apporte, depuis le début du siècle, que des réponses balbutiantes, entachées d'italianisme, Delorme donne quatre solutions magistrales, toutes différentes, fondées sur des recherches[...]

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Chenonceau

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