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CHESTERFIELD PHILIP DORMER STANHOPE comte de (1694-1773)

Lord Chesterfield fut un homme considérable sous les règnes de George Ier (1714-1727) et de George II (1727-1760). À peine majeur, peu après la mort de la reine Anne, le voici membre du Parlement, whig déterminé. Il devient l'ami des grands du monde littéraire, Pope, Swift, Addison, Arbuthnot, et avec eux contribue à donner du prestige à l'essai politique et littéraire qui est une des gloires modestes de l'Angleterre de son époque. À la mort de son père (1726), il lui succède dans le titre, et siège à la Chambre des lords. L'avancement ne lui fut pas difficile. Cultivé, courtois, de bonnes mœurs, excellent orateur (ses discours à la Chambre des lords sont très remarqués), après avoir été ambassadeur à La Haye (1728-1732), il devint ministre dans le cabinet Pelham (1745) — ministère de conciliation, où les whigs laissèrent quelques places aux tories — et il occupa un temps le poste difficile de lord-lieutenant d'Irlande, où il pratiqua une politique d'apaisement. Une fâcheuse aventure sentimentale, son amitié avec Mrs. Howard, la future comtesse de Suffolk, maîtresse du prince de Galles, lui valut plus tard l'hostilité de la reine Caroline, et lord Chesterfield ne put jamais atteindre les sommets de la vie politique. Cependant il fut encore secrétaire d'État dans le ministère Newcastle (1746-1748), et fit, en 1751, adopter le calendrier grégorien, que son pays avait jusqu'alors ignoré (la décision entra en vigueur l'année suivante). Il mit en quelque sorte l'Angleterre à l'heure de l'Europe. Et puis, comme Candide, en parfait gentleman, il se retira pour cultiver son jardin. Aimable jusqu'à sa dernière heure, on raconte que ses derniers mots furent : « Donnez une chaise à Dayrolles », un ami venu lui rendre visite à son lit de mort.

Il eut la carrière exemplaire d'un aristocrate anglais du siècle des Lumières, ami des arts et des lettres, qui se tenait loin des excès et faisait confiance à la raison et au cœur. Il n'aurait guère émergé de la scène politique s'il n'eût légué à la postérité le recueil de lettres écrites à son fils naturel, Philip Stanhope, né de sa rencontre à La Haye avec Mlle du Bouchet. Lord Chesterfield voua à l'éducation de ce fils une attention toute particulière. Philip Stanhope était un garçon timide et gauche, dont il voulait faire un diplomate, et les lettres qu'il lui écrivait avaient pour objet de façonner son esprit et son caractère en vue de sa réussite dans le monde. Elles sont pleines de conseils, de recommandations, propres à lui éviter des faux pas, des erreurs fatales à l'avancement mondain dont le père rêvait pour son fils. Le recueil (complété par des lettres à son filleul, qui portait le même nom) se lit comme un manuel de sagesse mondaine (of worldly wisdom). Il témoigne d'une connaissance avertie des vices et des ambitions des hommes, et s'efforce, sinon de préciser des règles, du moins de proposer une certaine ligne de conduite dans les rapports humains. Il s'en dégage une philosophie non exempte d'un certain cynisme poli, car la noblesse de caractère de lord Chesterfield n'est pas entamée par la conviction qu'il est difficile de réussir en ce monde sans faire des concessions aux aspects déplaisants d'une société où trouvent place la sottise et la corruption. Mais il est essentiel d'éviter les vices vulgaires, et de garder de « bonnes manières ». Manners make the man — les bonnes manières font l'homme —, comme dit la devise de New College, à Oxford. Les Lord Chesterfield's Letters to His Son, and Others furent publiées, en 1774, par la veuve de son fils. Une deuxième édition parut en 1790, avec les lettres à son filleul. Elles n'ont pas cessé depuis lors d'être rééditées et lues pour leur charme un peu désuet, agréable reflet[...]

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Écrit par

  • : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence

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