JOHNSON PHILIP CORTELYOU (1906-2005)
L'architecte américain Philip Cortelyou Johnson, né à Cleveland le 8 juillet 1906, est décédé le 25 janvier 2005 dans sa demeure de New Canaan (Connecticut). Du style international au déconstructivisme, en passant par le postmodernisme, sa longue carrière illustre les mutations et les contradictions de l'histoire de l'architecture aux États-Unis depuis les années 1930.
Au cours de ses études de lettres à Harvard, il rencontre en 1929 le directeur du tout nouveau Museum of Modern Art de New York, Alfred H. Barr, Jr., qui lui confie le département d'architecture du musée. En 1932, Johnson est l'auteur, avec Henry-Russell Hitchcock, de The International Style : Architecture since 1922, qui prolonge l'exposition Modern Architecture : International Exhibition. Dans ce livre, dont le titre a fait florès, puisqu'il désignera, en Europe et aux États-Unis, l'architecture moderne dominante des Trente Glorieuses (entre 1945 et 1975), les architectures d'avant-garde des années 1920 en Europe (par Gropius, Mies van der Rohe, Le Corbusier...) sont présentées au public américain comme un style reposant sur trois principes : l'architecture comme volume, la régularité plutôt que la symétrie axiale et l'absence de décoration surajoutée. Johnson se fait ainsi le propagandiste du Mouvement moderne, mais en le dépouillant de ses dimensions sociale et politique. L'accent mis sur l'architecture comme activité esthétique indépendante explique les divers changements de style qui caractériseront son itinéraire ultérieur.
À partir de 1934 et jusqu'aux débuts des années 1940, Johnson s'engage en faveur du fascisme aux États-Unis, en particulier dans l'État de Louisiane. Cette prise de position, à propos de laquelle il exprimera des regrets, n'entravera pas sa carrière. Au milieu des années 1950, il construira sans réclamer d'honoraires une synagogue à Port Chester (New York), en signe de réparation à l'égard de la communauté juive.
Pendant la guerre, il fait ses études d'architecte à l'université Harvard, où enseignent Gropius et Breuer. Ses premières œuvres sont fortement inspirées par Mies van der Rohe, qu'il a contribué à faire venir aux États-Unis et à qui il consacre une monographie en 1947. La célèbre Glass House (Maison de verre, 1949) que Johnson construit pour lui-même à New Canaan dans le Connecticut, et qui demeure son œuvre la plus célèbre, est une variation sur l'idée de transparence, de plan libre et de structure visible que Mies expérimentait à la même époque avec sa Farnsworth House (1950) à Plano, au sud de Chicago. Johnson est associé à Mies pour la réalisation du Seagram Building (1958) à New York, par l'aménagement du fameux restaurant Four Seasons.
Dès la fin des années 1950, il prend cependant ses distances avec l'orthodoxie miesienne et s'oriente vers une architecture monumentale empreinte de motifs historicistes simplifiés – coupoles et colonnes disproportionnées au musée d'Art précolombien de Dumbarton Oaks à Washington, en 1963, ou portiques du New York State Theater au Lincoln Center de New York, en 1964. Manifestant un scepticisme quelque peu ludique, il se plaît à transposer dans d'autres matériaux que le verre et l'acier les ordonnances et les volumes dessinés par Mies van der Rohe. Le Munson-Williams-Proctor Arts Institute (1960) d'Utica (New York) offre ainsi une interprétation opaque du Crown Hall de l'Illinois Institute of Technology (1950-1956) de Chicago par Mies.
À partir de 1967, son association avec l'architecte de Chicago John Burgee permet à Johnson de gérer des commandes importantes émanant du monde des affaires. Au cours des années 1970, il introduit des variations formelles dans le style international. L'I.D.S. Center à Minneapolis (1972) adopte un plan en losange[...]
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Écrit par
- Claude MASSU : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, directeur de l'École doctorale d'histoire de l'art
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