GRIFFITHS PHILIP JONES (1936-2008)
Auteur de nombreux reportages sur le Sud-Est asiatique et particulièrement sur le Vietnam, Philip Jones Griffiths compte parmi les photojournalistes les plus concernés par l'actualité de la seconde moitié du xxe siècle. Né le 18 février 1936 à Rhuddlan dans le pays de Galles, d'un père employé d'une société ferroviaire et d'une mère puéricultrice, le jeune homme suit des études de pharmacologie à Liverpool. Il commence à gagner sa vie à Londres comme veilleur de nuit et comme photographe pigiste pour le compte du Manchester Guardian. La photographie devient un métier à plein temps dès 1961, quand Philip Jones Griffiths intègre l'équipe des reporters de l'Observer de Londres. En 1962, son premier grand sujet l'entraîne en Algérie où il témoigne des premiers temps de la jeune république, à travers les images de la reconstruction difficile d'un pays meurtri, au lendemain du départ des Français. L'Afrique, et notamment la Zambie et le Zimbabwe, retiendront Philip Jones Griffiths jusqu'en 1966, date de son premier séjour au Vietnam et du début de sa participation à l'agence Magnum Photos comme membre associé. La densité des événements et l'horreur côtoyée au quotidien seront déterminantes dans l'orientation professionnelle du photojournaliste, qui, plus qu'un événement à couvrir, considère la guerre du Vietnam comme le prolongement de la politique coloniale des puissances européennes. Réduit, comme la plupart des reporters occidentaux, à la seule possibilité d'opérer du côté des troupes américaines et sud-vietnamiennes, Griffiths le Britannique ne tarde pas à prendre parti contre l'intervention des États-Unis en Indochine. Ses images, qui ne dissimulent rien des horreurs de la guerre, des interrogatoires de prisonniers vietcong et des souffrances endurées par les victimes civiles, ne rencontrent pas une grande faveur dans la presse d'outre-Atlantique, mais donneront matière à l'édition en 1971 du livre Vietnam Inc. L'ouvrage, préfacé par le linguiste Noam Chomsky, devait largement contribuer à la sensibilisation de l'opinion américaine à une guerre injuste, notamment avec la photographie d'un petit garçon de Saigon pleurant sur le corps de sa sœur au lendemain de l'offensive du Têt de 1968. Salué par Henri Cartier-Bresson qui, sur le terrain de la représentation de la guerre, le compare à Goya, devenu persona non grata au Sud-Vietnam, Philip Jones Griffiths intègre cette même année 1971 l'agence Magnum Photos comme membre à part entière et déplace son champ d'opération au Proche-Orient. Après avoir couvert le conflit du Kippour de 1973, il réalise la même année d'importants reportages sur deux guerres civiles, celle qui oppose catholiques et protestants en Irlande du Nord et celle qui, au Cambodge, devait déboucher deux ans plus tard sur la sanglante prise de pouvoir par les Khmers rouges. Son élection à la présidence de Magnum Photos contraint Philip Jones Griffiths à quitter la Thaïlande en 1980, peu de temps après avoir produit un reportage sur l'odyssée des boat people. Il s'établit pour cinq ans à New York, afin de défendre sa vision engagée du photojournalisme au sein de Magnum. Il continue parallèlement de voyager à travers le monde. Témoin infatigable d'une actualité violente et tragique, il couvrira l'invasion américaine de Grenade en 1983, le calvaire des réfugiés soudanais en Éthiopie en 1988, le recueillement d'Hiroshima lors du cinquantenaire de l'explosion de la bombe atomique, la survie des enfants dans les décharges de détritus aux Philippines en 1996, les manifestations contre la guerre en Irak en 2003.
Dans son deuxième livre, Dark Odyssey (1996), Philip Jones Griffiths organise une première rétrospective couvrant quarante années de photojournalisme, de l'Afrique[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Hervé LE GOFF : professeur d'histoire de la photographie, critique
Classification