FARMER PHILIP JOSÉ (1918-2009)
Né à North Terre Haute (Indiana) et fixé à Peoria (Illinois), Philip José Farmer a passé la plus grande partie de sa vie dans les plaines du Midwest, entre l'Ohio et le Mississippi. Son père et sa mère étaient adeptes de la Science chrétienne, sorte de « thérapie métaphysique » professant que l'enseignement du Christ, correctement compris, pouvait guérir de la mort. Devenu athée à l'adolescence, il resta convaincu que l'immortalité était pour l'homme le seul objectif vraiment désirable.
Grand lecteur de récits d'aventures, Farmer voulut en écrire alors que l'âge d'or de ce genre était passé. Il y gagna d'essuyer de nombreux refus des éditeurs et fit des débuts tardifs avec Les Amants étrangers (publié comme nouvelle en 1952 et transformé en roman en 1961) et Des rapports étranges (recueil de nouvelles parues entre 1953 et 1960), où il décrit des humains qui accèdent à la libération sexuelle – et morale – en goûtant l'amour avec des créatures extraterrestres. Dans l'atmosphère puritaine de la science-fiction d'alors, ces récits qui ne reculent pas devant les détails très crus firent l'effet d'une « bouffée d'air frais dans une usine » (Harlan Ellison).
Une carrière de provocateur s'ouvrait pour Farmer. Mais il crut venu le moment de vivre de sa plume et, après des péripéties pénibles, fut obligé de vendre sa maison à Peoria. De là le cycle de La Nuit de la lumière (1957-1966), où un meurtrier en fuite, John Carmody, est amené à participer, sur une lointaine planète, à un rituel qui fera de lui le père d'un dieu. Derrière une anthropologie empruntée pour l'essentiel à Joseph Campbell et à Frazer, la religion du futur père Carmody est fort maltraitée ; l'écriture se fait plus cynique, plus violente, plus égocentrique, avec des accents protestataires et même nietzschéens. « Sexe et religion, dira plus tard l'auteur, sont comme les deux côtés d'une même pièce. »
L'homme qui voudrait devenir immortel et le dieu qui n'est qu'un être vivant aux pouvoirs supérieurs ne sont pas si éloignés. Farmer consacrera le reste de son œuvre à étudier la jonction entre l'un et l'autre. La première formule est la résurrection des corps, sujet du cycle du Fleuve de l'éternité (1966-1983). L'humanité ayant disparu en 2009, tous ses représentants depuis la préhistoire renaissent au nombre de trente-six milliards, chacun incarné dans un corps de vingt-cinq ans, au long d'un fleuve de seize millions de kilomètres sillonnant une planète inconnue. Tous les hommes : il y a là sir Francis Burton, Mark Twain, Jean sans Terre, Göring et tous les autres : « Il se peut que vous ne soyez pas mentionné, mais vous êtes vous-même dans ce livre. » Cette seconde chance ne sera pas saisie : l'agressivité des hommes l'emporte à nouveau, on lutte pour le pouvoir, des États se constituent, la révolution industrielle recommence... et les mystérieux manipulateurs qui ont monté ce projet en sont pour leurs frais.
Autre possibilité : la longévité. Dans La Saga des hommes-dieux (1965-1993), les seigneurs vivent dix mille ans et ont des pouvoirs tels qu'ils sont capables de créer des mondes ; moyennant quoi ils sont cruels, fous, jaloux et prisonniers de leur enfance, dont rien ne pourra jamais les faire sortir. Quand ils créent des « univers de poche » factices, c'est pour y vivre des aventures, disons : pour y jouer. Et ces mondes ne font que décliner les archétypes de l'imaginaire. La Terre est justement l'un de ces univers de poche, mais peut-être y a-t-il quelque part un monde originaire, planète natale des seigneurs créée par le seigneur des seigneurs ?
Troisième possibilité : l'éternité. Dans le cycle de Wold Newton, l'auteur admet que certains personnages fictifs[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jacques GOIMARD : historien de la science-fiction
Classification