KERR PHILIP (1956-2018)

La fiction au futur

S’il s’est brillamment illustré avec ces romans qui plongent dans le passé, Kerr a abordé le futur avec la même aisance. Le Sang des hommes (1998, The Second Angel) se déroule en 2060. Les hommes, porteurs d’un virus, sont condamnés à une mort lente en cas de non-transfusion. L’étalon-sang a remplacé l’étalon-or. Spéculant sur ce marché, la multinationale Terotech possède sur la Lune la plus grande banque du sang dont l’ingénieur Dallas a conçu le système de protection. Quand sa fille est atteinte par le virus, la direction de Terotech ordonne de l’abattre, craignant qu’il ne puise dans les réserves de sang pour la sauver. Mais Dallas en réchappe et décide de se venger… Une enquête philosophique (1992, A Philosophical Investigation) se situe à Londres en 2013. La police a identifié des tueurs en série avant qu’ils ne passent à l’acte. Médicalement suivi, chacun d’eux est fiché sous le nom d’un philosophe dans un programme informatique. Mais le tueur dénommé « Wittgenstein », après avoir détruit sa fiche, pirate la liste pour identifier ses camarades et les faire passer de vie à trépas avant d’être lui-même neutralisé.

Conçue par de nombreux ingénieurs, La Tour d’Abraham (1995, The Grid) est un vaste immeuble au cœur de Los Angeles. Grâce à un ordinateur central, il gère la vie des locataires. Jusqu’au jour où la machine, contaminée par des jeux électroniques, échappe à tout contrôle et se met à éliminer une partie des occupants. Ingénieuses et saupoudrées d’un humour cynique, ces paraboles où l’informatique accentue l’aspect dominant des multinationales sont passionnantes. Parmi les autres romans de ce type, citons Chambres froides (1993, Dead Meat), dans lequel la brigade antimafia de Saint-Pétersbourg enquête sur un trafic de viande.

Écrivain protéiforme, Philip Kerr a signé une vingtaine d’ouvrages, parlant avec la même maîtrise de plusieurs sous-genres du « polar » tout en abordant les époques les plus diverses. À ce large éventail viennent s’ajouter une dizaine de romans pour la jeunesse publiés sous le pseudonyme de P.B. Kerr.

Philip Kerr meurt à Londres le 23 mars 2018.