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ADRIEN PHILIPPE (1939-2021)

Né le 19 décembre 1939 à Savignies, dans l'Oise, Philippe Adrien se fait d'abord connaître comme auteur dramatique. Après En passant par la Lorraine (1965), La Baye (1967) lui vaut son plus grand succès. Mise en scène au théâtre de Chaillot par Antoine Bourseiller, avec Suzanne Flon et Jean-Pierre Léaud, la pièce raconte un déjeuner dominical réunissant deux familles de la petite bourgeoisie. La satire sociale pointe derrière le prosaïsme de la situation, l'hyperréalisme et le goût du quotidien laissant néanmoins place à un langage choral et ludique, fait de lapsus, de répétitions insolites. On songe au jeune Brecht de La Noce chez les petits bourgeois, et au Mariage de Gombrowicz.

Ses tentatives suivantes (La Révélation, 1969 ; Les Bottes de l'ogre, 1974) ne connaîtront pas la même faveur (La Baye a été mise en scène de nouveau trente ans après sa création par Laurent Pelly). Autre expérience notable : Le Défi de Molière (1979), autour de trois moments clés de la vie de l'auteur de Tartuffe. Ici l'imagination l'emporte sur la reconstitution, et la biographie est traitée en dehors de tout apparat légendaire ou historique.

<em>Le Procès</em>, d’après F. Kafka, mise en scène de P. Adrien - crédits : Pascal Victor/ ArtComPress/ opale/ Bridgeman

Le Procès, d’après F. Kafka, mise en scène de P. Adrien

Après La Funeste Passion du professeur Forenstein(1982), où le mythe du savant fou sert de métaphore à la création théâtrale, Philippe Adrien se détache de l'écriture. Parmi ses travaux majeurs, on compte ses adaptations de Georges Bataille (L'Excès, en 1973), Sade (L'Œil de la tête-Effet Sade, 1975), Kafka (Une visite, 1980). Ces deux derniers auteurs sont pour lui des sources déterminantes. Après Une visite, tirée du septième chapitre de L'Amérique, il réalise en 1985, avec le dramaturge Enzo Cormann, Rêves, qui met en scène les songes de l'écrivain praguois, et Sade-Concert d'enfer (1989), où se mêlent fantasmes et biographie du Divin Marquis. C'est Cormann encore qui écrit KeVoi(1985), à partir d'une recherche collective sur l'individu et l'utopie.

Philippe Adrien se tourne également vers le répertoire allemand contemporain et la poétique originale de Peter Handke (Le pupille veut être tuteur, 1975) ou encore de Heiner Müller (La Mission, 1982).

Chez lui, l'espace scénique s'apparente à l'univers psychique, celui de l'inconscient, du rêve, auxquels le dispositif théâtral fournit une réalisation concrète. C'est ainsi qu'il aborde le trio de La Poule d'eau de Witkiewicz (1980), Les Aveugles d'Hervé Guibert (1986), L'Homosexuel, ou la Difficulté de s'exprimer de Copi (1997), aussi bien que Molière (Monsieur de Pourceaugnac, 1981), Marivaux (Les Acteurs de bonne foi et La Dispute, 1987) ou Sacher-Masoch (La Vénus à la fourrure, 1988).

Cette recherche se double d'un goût pour les potentialités ludiques de la scène, le bricolage, les décors ingénieux et piégés, qu'il exploite avec Ubu roi de Jarry en 1980, La Tranche de Jean-Daniel Magnin (1993), La Noce chez les petits-bourgeois de Brecht (1995), ou lorsqu'il redécouvre en 1988 Cami, sorte de Karl Valentin français (Cami, drames de la vie courante).

Souvent sollicité pour des créations originales (Gustave n'est pas moderne d'Armando Llamas et Maman revient, pauvre orphelin de Jean-Claude Grumberg en 1994 ; Kinkalid'Arnaud Bédouet en 1997 ; Bug !, en collaboration avec Jean-Louis Bauer, 2011), Philippe Adrien aime aussi à délivrer sa propre lecture de quelques œuvres consacrées. Après avoir monté L'Annonce faite à Marie de Claudel, en 1990, il brise les conventions du théâtre de l'absurde avec En attendant Godotde Beckett, en 1993, inventant aux personnages un passé qui les réintroduit dans un récit fictionnel. Pour Les Bonnesde Genet, au Vieux-Colombier (1995), il privilégie le déroulement de l'intrigue policière par rapport au motif du simulacre. Ce travail de relecture se poursuit avec[...]

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Écrit par

  • : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Média

<em>Le Procès</em>, d’après F. Kafka, mise en scène de P. Adrien - crédits : Pascal Victor/ ArtComPress/ opale/ Bridgeman

Le Procès, d’après F. Kafka, mise en scène de P. Adrien