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CAUBÈRE PHILIPPE (1950- )

Un voyage au bout de soi-même

Trancher « le fil d’Ariane » n’est pas facile. C’est pour s’en défaire que Philippe Caubère s’est lancé dans cette aventure incroyable consistant à mettre son propre passé en scène. C’est par souci d’ « exorcisme » qu’il a entamé cette sorte d’auto-psychanalyse avec, pour médecin, le public, et pour divan, le plateau.

Conçu, avec le concours de Clémence Massart et Jean-Pierre Tailhade à partir de nombreuses heures d’improvisation enregistrées au magnétophone, le premier épisode, La Danse du diable, qui relate son enfance et ses débuts de comédien, reçoit d’abord un accueil mitigé. Lors de sa création au festival d’Avignon, à la Condition des soies, en 1981, plusieurs critiques décrètent qu’il ne s’agit pas de théâtre. Le public leur donne tort et réserve un triomphe à cette histoire d’un acteur, qui se révèle aussi une histoire tout court capable d’émouvoir chacun. Ce triomphe ne se dément pas au fil des nouveaux chapitres : Ariane ou l’Âge d’or (1986), Jours de colère (1986), Les Enfants du Soleil (1988), La Fête de l’amour (1989), Le Chemin de la mort (1991), Les Marches du palais (1993). Le Roman d’un acteur va ainsi devenir une saga en onze épisodes, comptant plus de 40 heures de spectacle. Comment ne pas admirer un jeu prodigieux, héritier de la commedia dell’arte, fondé sur l’improvisation en même temps que sur un travail d’une rigueur extrême, en accord parfait avec les rythmes de l’écriture, les mouvements de lumières, la respiration des spectateurs ? Comment ne pas s’ébahir devant tant d’inventivité permanente, une telle maîtrise des gestes et du corps ?

En 2007, vingt-six ans après la « première » de La Danse du diable, Philippe Caubère signe un ultime épisode : L’Épilogue. De fait, lui qui n’a été que peu sollicité par le cinéma (notamment pour La Gloire de mon père et Le Château de ma mère adaptés par Yves Robert, d’après Marcel Pagnol, en 1990), il s’avère avant tout un homme du verbe, admirateur de Céline et de Proust. Acteur de lui-même, il s’est mû en acteur au service des poètes dont il sait comme personne réveiller les voix. Toujours en solitaire, toujours maître d’un théâtre physique et concret, éloigné de tout esthétisme, il conduit le spectateur à l’émotion directe et au rêve.

On l’a vu à travers ses hommages à Aragon et André Suarès, en particulier avec Marsiho (2012). On l’a vu avec Urgent crier (2011), à partir de textes d’André Benedetto. En 2013, au festival d’Avignon, Caubère a repris sur scène ce spectacle, ainsi que le Memento occitan : grand perturbateur du théâtre, Benedetto est célèbre pour avoir fondé le « off » en Avignon, mais plus encore en tant que metteur en scène, acteur et auteur à la langue foisonnante, charriant les mots comme un torrent. Comédien prodigieux, tout de retenue sans jamais rien perdre, cependant, du lyrisme de l’écriture, Philippe Caubère s’est fait interprète de cette ode à l’Occitanie.

— Didier MÉREUZE

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

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Média

Philippe Caubère - crédits : Michele Laurent/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Philippe Caubère

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    • 2 médias
    ...ses interprètes. D'aucuns comme Bob Wilson ou Klaus Michaël Grüber dirigent l'acteur à la note près et les manipulent comme des pièces de jeu d'échecs. En démontant les processus d'apprentissage de l'acteur à la fin du xxe siècle, et en multipliant les points de vue sur son jeu, Philippe Caubère...