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CLÉVENOT PHILIPPE (1942-2001)

L'acteur Philippe Clévenot fut l'une des figures les plus représentatives du théâtre contestataire des années 1960-1970, politique et civique, marqué au double sceau de la création collective et de la conquête d'un nouveau public.

C'est en applaudissant Jean Vilar et Gérard Philipe que Philippe Clévenot se prend de passion pour le théâtre. Sa mère l'entraîne au cours de Béatrix Dussane, grande figure de la Comédie-Française. Il n'y reste que le temps d'une audition. Il veut, comme le lui a conseillé Jean Dasté, partir à Strasbourg, où Hubert Gignoux dirige le Théâtre national et son école. C'est là qu'il se forme pendant trois ans. Il rencontre André Steiger, Gabriel Monnet, René Allio qui l'engage dans son film Les Camisards (1970). Jean-Pierre Vincent fait partie lui aussi de la distribution. Avec Jean Jourdheuil, il vient de fonder la Compagnie Vincent-Jourdheuil, qui deviendra le Théâtre de l'Espérance en 1972. Clévenot les suit, crée avec eux deux pièces de Rezvani, Le Camp du drap d'or, Capitaine Schelle, Capitaine Eçço, puis joue dans Woyzeck en 1973. Lorsque Vincent succède à Gignoux à la tête du Théâtre national de Strasbourg (T.N.S.), en 1976, Philippe Clévenot le rejoint naturellement. L'heure est au « collectif » conçu sur le modèle allemand de la Schaubühne de Berlin-Ouest. Loin de limiter son travail à une prestation sur le plateau, l'acteur participe à l'élaboration des spectacles aux côtés de dramaturges-auteurs comme Bernard Chartreux ou Michel Deutsch, et de peintres-scénographes tels que Jean-Paul Chambas, Lucio Fanti, Gilles Aillaud. Sous la direction d'André Engel, Philippe Clévenot joue dans Week-end à Yaïk, d'après Essénine, ou Kafka-Théâtre complet. Il interprète surtout, en 1977, l'Alceste douloureux du Misanthrope revisité par Jean-Pierre Vincent, qu'il accompagne à nouveau, en 1983, à la Comédie-Française. Il y interprète le rôle de « Macbeth », en 1985, puis s'en va. Il a besoin d'être libre, même s'il sait se montrer fidèle, notamment à Bernard Sobel, directeur du Théâtre de Gennevilliers, qu'il retrouve à intervalles réguliers d'Edouard II de Marlowe, en 1981, aux Géants de la montagne de Pirandello en 1994, en passant par La Cruche cassée de Kleist ou L'École des femmes. Il travaille notamment sous la direction de Patrice Chéreau (Peer Gynt), des Allemands Karge et Langhoff (Le Prince de Hombourg, 1984), de Peter Zadek (Mesure pour mesure, 1990), de Jean-Louis Martinelli (Œdipe-Tyran d'Hölderlin au festival d'Avignon 1998). En 1999, il interprète le Shylook du Marchand de Venise, mis en scène par Stéphane Braunschweig, rôle qu'il doit abandonner miné par la maladie. Un an plus tard, il signe sa première mise en scène, Anna Christie, d'Eugene O'Neill, à la Comédie de Genève. Si Philippe Clévenot a tourné quelque vingt-cinq films, la plupart sont le fait d'auteurs d'un cinéma à la marge : René Allio, bien sûr, mais aussi René Féret (Histoire de Paul et Le Mystère Alexina), Philippe Le Guay (Les Deux Fragonards), Jean-Pierre Sentier (Le Coup suprême). Il est vrai qu'il n'est pas homme à sacrifier au jeu du vedettariat. Silhouette dégingandée et en même temps d'une élégance racée, il préfère les aventures parallèles, comme à Trouville, où avec Bérengère Bonvoisin, sa compagne, il fonde sa propre compagnie, L'Asphodèle, pour faire revivre le vieux théâtre.

Que la tentative se solde par un échec compte peu. Ce qui importe, c'est la capacité de ce comédien hors norme à rêver et à faire rêver ; c'est la rigueur d'une démarche qui le conduit à s'interroger sans cesse sur son art. Ce n'est pas un hasard si les deux spectacles qui l'ont porté au plus haut traitaient de la scène,[...]

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

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