DUMAS PHILIPPE (1940- )
Auteur-illustrateur français, peintre et décorateur de théâtre, Philippe Dumas (né en 1940 à Cannes) s’est spécialisé dans le livre pour enfants. Son premier héros, l'âne Édouard (Histoire d'Édouard, 1977), s'inscrit dans la tradition de l'histoire animalière et témoigne de l'aptitude de l'auteur à créer un univers de fiction subtil, aux frontières de la fable, de l'aventure, du fantastique et de la méditation philosophique. On retrouve Édouard, entouré de sa nombreuse famille, lors d'une rencontre insolite avec Victor Hugo, quelques années plus tard, dans une malicieuse mise en boîte du poète dont l'emphase déclamatoire fait fuir tous ses hôtes (Victor Hugo s'est égaré, 1986). Les qualités de dessinateur de Dumas se sont entre-temps affirmées, son crayonnage désinvolte et expressif rehaussé de couleurs douces excelle à rendre les paysages, les intérieurs et, chose plus rare, les atmosphères affectives.
Avec beaucoup d'économie et une simplicité qui n'exclut pas l'élégance, il met son graphisme au service de situations et d'émotions parfois complexes tout en sachant varier ses effets, par exemple en s'arrêtant dans le cours du récit sur une physionomie : aussi met-il à nu le cœur de ses personnages. Le contraste est plaisant entre la mine renfrognée de la mère et le regard confus de la bergère attablée (Il pleut, il pleut, bergère, 1985) auquel répond en écho le regard confiant de l'enfant noir, l'ingénu de La Reine des abeilles (1984). Ces portraits attestent l'agilité de Dumas à passer d'un registre à l'autre et même à juxtaposer différents niveaux de narration. Ainsi dans Victor Hugo s'est égaré, le commentaire narquois de l'auteur, dont la sobriété toute prosaïque démythifie la logorrhée épique du poète, souligne drôlement l'image qui met en scène à la fois les protagonistes du drame littéraire et ceux qui en supportent les effets, les ânes au cœur sensible. C'est d'ailleurs une constante de Dumas que cette introduction de l'animal domestique, comparse et complice ; on trouve le terre-neuve encombrant mais si intelligent dans la série des Laura (1978-1982), où l'auteur joue sur la masse du chien, ou encore le cheval dans une approche de l'équitation minutieuse et sensible (Nougatine, cahier d'équitation de Jean, 1989), mais aussi coursier imaginaire dans un escalier de bois (La Maison de l'avenue Jean-Jaurès, 1979). Cependant, les mésaventures d'Édouard, errant solitaire et incompris dans la société humaine, l'apparentent à la race du héros romantique, veine corrigée par l'humour et l'esprit d'enfance : le ton de la bande dessinée se retrouve dans l'usage des bulles. Dans l'album plus sombre qu'est Ce Changement-là (1981), aux images en noir et blanc, l'introduction épisodique de la bulle adoucit l'interrogation sur la mort, ce qu'atteste surtout la dernière image, l'enfant au baluchon s'avançant dans la vallée de « l'ombre de la mort », confiant malgré tout. Ce livre, touchant et pudique, réussit à dire l'indicible à l'enfant et à ses parents sans pathos.
Avec l’écrivain Boris Moissard (pseudonyme de Jean-Jacques Ably, né en 1942 à La Tronche), Philippe Dumas réécrit les contes de Grimm et de Perrault dans les recueils Contes à l'envers (1977) et Contes de la tête en plein ciel (1996).
Au fil de son œuvre, Philippe Dumas est moraliste, que ce soit dans les sujets graves ou la fable légère, les petites leçons de choses sur la vie marine (Pêche à pied, 1986), l'observation amusée de la vie au village (César le coq du village, 1978), l'argument un peu libertin de Il pleut, il pleut, bergère ou encore la bonne tenue à table (Le Convive comme il faut, 1989). Il n'est[...]
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Écrit par
- Laura NOESSER : conservateur des bibliothèques
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