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FAUCON PHILIPPE (1958- )

Le cinéaste Philippe Faucon est né en 1958. Son œuvre d'auteur, d'une belle cohérence, ignore la question des spécificités (esthétiques autant qu'économiques) qui délimitent le champ du cinéma et celui de la télévision. Ainsi, L'Amour (1989) est un film de cinéma, Sabine un téléfilm présenté au festival de Venise 1992 où son succès permet une distribution en salles. Muriel fait le désespoir de ses parents est également une production télévisée diffusée en 1994 et sortie trois ans plus tard en 1997 au cinéma, Mes 17 Ans (1996), un téléfilm produit et programmé seulement sur le petit écran, comme Grégoire peut mieux faire (2002). Par contre Samia (2000), La Trahison (2006), Dans la vie (2008) et La Désintégration (2012) sont des films réalisés pour le cinéma, tandis que D'Amour et de révoltes, une mini-série (4 × 43 min, 2008), est produite et programmée par Arte.

Philippe Faucon décrit les relations sexuelles et sentimentales d'une dizaine de jeunes dans un quartier modeste (L'Amour). Sabine plonge dans l'enfer de la drogue, d'une maternité non désirée, de la séropositivité et d'une dramatique solitude. Si Muriel fait le désespoir de ses parents joue la carte de la comédie douce en brossant le portrait d'une adolescente qui s'affirme en préférant les filles aux garçons, Mes 17 Ans retrouve la fatalité noire de Sabine, mais cette fois dans un milieu bourgeois et au soleil du Midi ; en fait l'héroïne se fracasse littéralement contre les contraintes et les interdits dont sa mère l'accable. Quant à Grégoire peut mieux faire, cette première tentative de portrait masculin enregistre les destins croisés d'un gentil garçon qui ne veut rien faire, tandis qu'Ishem, doué, essaie d'être admis dans l'établissement réputé où celui-ci se trouve alors que la carte scolaire le rejette impitoyablement vers un lycée de Zep. Philippe Faucon montre toujours une adolescence à la recherche de sa propre identité, définie par rapport à sa famille, aux jeunes – garçons et filles – et aussi face à la société (où prédominent le regard des autres, l'avenir professionnel, le lieu d'habitation...). Généralement, les indécisions sentimentales passent par le désir, la sensualité de très jeunes actrices débutantes, voire non professionnelles. Les beurettes montrent la voie à leurs transparents camarades « de souche », selon une perception revigorante, fortement métissée et tout à fait pertinente du milieu scolaire des villes du Midi.

Samia filme de l'intérieur d'une famille arabe, dans une cité de Marseille, l'existence d'une adolescente aux allures de gamine mais prématurément mûrie par la dureté des rapports humains : un père malade, un grand frère « fou de Dieu » et surtout tyran domestique, la sœur aînée fuyant la maison avec un Français, tandis que les plus jeunes sont encore soumises à une mère qui panse les plaies mais accepte les violences machistes. Rebelle et délicieusement piquante (extraordinaire Lynda Benahouda), Samia attend son heure mais sait déjà qu'il lui faudra obtenir durement son autonomie en se battant sur tous les fronts. Samia est un film court, sec, sous tension, d'une beauté fulgurante. La tonalité est toute autre pour un conte de Toulon – Dans la vie – à placer aux côtés de ceux de l'Estaque (R. Guédiguian) et de Sète (A. Kéchiche). Avec un beau naturel, l'auteur imagine un rapprochement israélo-arabe dans la sphère privée des familles de France où la vieille Halima devient la garde-malade de la grosse Esther clouée sur sa chaise d'infirme. Le conflit résonne en contrepoint à travers les informations télévisées relatant la guerre au Liban. L'incompréhension se matérialise dans les réactions des voisins et des jeunes générations, mais sans caricature. Tout est ressenti et présenté[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

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